OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Les emplois au pifomètre du gaz de schiste http://owni.fr/2012/10/08/les-emplois-au-pifometre-du-gaz-de-schiste/ http://owni.fr/2012/10/08/les-emplois-au-pifometre-du-gaz-de-schiste/#comments Mon, 08 Oct 2012 14:02:09 +0000 Sylvain Lapoix http://owni.fr/?p=121895

Voici deux mois qu’industriels et éditorialistes défendent le gaz de schiste à l’aide de promesses d’emplois complètement fantaisistes. Le “gisement de 100 000 emplois” que représenterait l’exploitation de ces hydrocarbures profonds est le deuxième argument favori (après l’indépendance énergétique) pour balayer d’un revers de calculatrice les risques environnementaux et sanitaires des méthodes brutales d’extraction qu’elle nécessite (la fracturation hydraulique). Mais si les réserves ont été évaluées à l’aide de méthodes et de données géologiques professionnelles, le potentiel social de cette industrie l’a été avec un outil mathématique de niveau CM2.

Gaz de schiste : révolution énergétique, menace écologique

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Prédire l’avenir avec une règle de trois

L’évaluation la plus populaire sous nos climats éditoriaux est l’œuvre d’un rapport livré par la société Sia conseil. Cabinet de consulting en management, Sia compte parmi ses plus gros clients GDF Suez, partenaire de Schuepbach LLC sur deux permis d’exploration pour les gaz de schiste en France et leader du secteur. Son logo apparaît par ailleurs discrètement en pied de page de Gas in focus, “Observatoire du gaz naturel” autoproclamé, coédité par GRT Gaz, filiale à 75% du géant français des bonbonnes de propane.

Pour arriver à un bénéfice de 100 000 emplois directs et indirects grâce aux gaz de schiste, la société part d’un calcul savant portant sur les trois principaux permis du Sud de la France :

Le nombre de forages par concession ne peut pas excéder 30 forages de puits par an. Pour mémoire, aux Etats-Unis, certaines zones comportent plusieurs milliers de puits. Après avoir déterminé le profil de production d’un puits type, nous avons ensuite appliqué les niveaux d’emploi observés aux Etats-Unis sur les deux périodes de vie d’un puits : sur les trois premières années (forage), 13 personnes par puits sont nécessaires ; sur les vingt années suivantes (exploitation), il suffit de 0,18 personnes par puits. Les emplois indirects et induits représentent 1,52 emploi par puits. Nous avons retraité cette moyenne américaine des horaires de travail en France (2 080 heures annuelles aux Etats-Unis contre 1 650 en France, soit un facteur de 1,26).

Conclusion : la totalité des trois concessions représenterait un potentiel de 10 000 emplois à l’horizon 2010. Jusque là, l’analyse est fine et, sinon incontestable, efficacement argumentée.

Quand soudain, peut-être usés par la quantité de statistiques sociales brassées pour savoir combien de foreurs iraient percer le plateau du Larzac, les experts de Sia rangent leurs tableaux Excel et dégainent leur Casio :

Généralisées à la totalité des ressources françaises, ces exploitations créeraient 100 000 emplois d’ici 2020 dont 40 000 emplois industriels directs, dans une hypothèse maintenant les conditions d’exploitation retenues.

Le calcul n’est pas précisé mais nous avons pu reconstituer la formule ayant permis cette conclusion :

10% x Gaz de schiste en France = 10 000 emplois
Gaz de schiste en France = 10 000 emplois x 1/10% = 100 000 emplois

En d’autres termes, les experts de Sia conseil (jugeant que toutes les extractions de gaz de schiste sont les mêmes) se targuent de prédire l’avenir avec une règle de trois.

Fact checking

Si elle peut sembler “de bon sens”, cette idée selon laquelle “un puits est un puits” est techniquement fausse : piégé dans les roches de schiste, le gaz du même nom peut se trouver en fines couches entre 2 000 et 3 500 mètres de profondeur selon les bassins. Difficile d’imaginer qu’avec plusieurs centaines de mètres de différence, il faille autant de temps et de personnel pour forer à ces différents niveaux, selon qu’on soit en Languedoc ou en Lorraine. Et pour cause.

L’argument selon lequel les gisements seraient tous pareils sur le plan de l’emploi ne survit pas longtemps à l’analyse de l’exploitation effective des gaz de schiste aux Etats-Unis. Si la règle de trois employée par Sia conseil était juste et puisqu’elle se base sur les emplois nécessaires pour exploiter les ressources, le nombre d’emplois créés devrait être proportionnel à la production de chaque Etat.

En croisant les chiffres de production de l’Agence d’information sur l’énergie américaine et les calculs d’emplois par Etat de l’institut IHS, il apparaît clairement que les deux chiffres sont totalement décorrélés : avec deux fois moins de production, la Pennsylvanie revendiquait en 2010 près de deux fois plus d’emplois que l’Arkansas. Les deux Etats affichent cependant un bénéfice social combiné inférieur au Colorado… qui a extrait mille fois moins de gaz de schiste qu’eux en 2010 !

Autrement dit, la règle de trois s’avère un outil plutôt difficile à appliquer à une industrie dépendante d’une somme de facteurs aussi large que l’énergie.

Cela n’a cependant pas empêché cette estimation de se répandre comme une traînée de poudre, ni d’autres du même calibre mathématique. Le groupement patronal britannique Institute of Directors a ainsi fait sensation le 21 septembre en annonçant un potentiel de 35 000 emplois dans l’exploration-production des gaz de schiste. Le rapport Britain’s shale gas potential sur lequel repose ce coup de com’ expose cependant clairement sa méthode pour arriver à ce chiffre à partir d’une estimation d’une hausse de 8 % de la production grâce à ces hydrocarbures :

L’industrie gazière et pétrolière britannique assure directement et indirectement l’emploi de 440 000 personnes. En supposant que l’emploi soit directement proportionnel à la production, alors une hausse de 8 % de la production de 2011 générerait un gain de 35 000 emplois, aidant à contrecarrer les pertes liées au déclin de la production conventionnelle de pétrole et de gaz au Royaume-Uni.

Ce postulat du “tous pareils” est également à l’origine de deux estimations du think tank Iref Europe. L’auteur de l’article, qui présente un potentiel de 42 000 à 62 000 emplois, a cependant l’honnêteté de reconnaître “les limitations statistiques” de la règle de trois.

Promesses

Avant la mise en exploitation des grands gisements du Nord-Est et du Sud des Etats-Unis, des promesses d’emplois toutes aussi alléchantes avaient été formulées par les industriels. En mai 2011, un rapport était repris par le quotidien Patriot News estimant à 48 000 emplois le nombre d’embauches réalisées en 2010 grâce au développement des gaz de schiste en Pennsylvanie. Signé par le département Travail et Industrie de l’Etat, le document semblait au dessous de tout soupçon.

Le mirage social du pétrole guyanais

Le mirage social du pétrole guyanais

Défendue par les élus locaux et la compagnie Shell à coup de chantage à l'emploi, l'extraction de pétrole au large de la ...

A ceci prêt que le terme d’embauche n’est pas synonyme de “création d’emploi“, une nuance relevée par l’institut Keystone, dans le même rapport ! Les “embauches” remplacent en effet parfois des départs en retraite, des licenciements ou des démissions, sans augmenter le nombre total d’emplois pourvus dans la zone. Le bénéfice “réel” pour l’emploi serait en fait de 10 000 personnes sur trois ans (2008 à 2010), ce qui pèse pour moins de 10% de la hausse de l’emploi industriel dans l’Etat, selon la même source.

Avec plus de 24 000 emplois directs au 2e trimestre 2012 dans les industries extractives, la France dispose déjà de professionnels dans les différents corps de métier nécessaires au développement des gaz de schiste. Comme pour la Guyane, de nombreuses opérations de prospection sismique ou de forage mobilisent pendant un temps limité des équipes de spécialistes qui repartent aussitôt le travail fini avec leur coûteux matériel, sans créer d’autre richesse sur le territoire que celle liée à leurs besoins quotidiens.

De quoi sauver une filière, peut-être. Mais pas de quoi s’attendre à un autre boom que celui qui fait trembler le sous-sol lors de la fracturation hydraulique.


Photo par Arimoore [CC-by-nc-sa] via Flickr

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Emplois d’Avenir mise sur Meetic http://owni.fr/2012/08/31/emplois-davenir-mise-sur-meetic/ http://owni.fr/2012/08/31/emplois-davenir-mise-sur-meetic/#comments Fri, 31 Aug 2012 09:11:27 +0000 Geoffrey Dorne http://owni.fr/?p=119240 Owni, avec Geoffrey Dorne, explore décortique, enchante ou brûle des icônes. ]]>

Bonjour à toutes et à tous,

ici Geoffrey pour la nouvelle saison de “Vendredi c’est Graphism” ! Après un mois d’août au calme à ressourcer ses yeux et son cerveau, nous voici repartis pour de bien belles choses à voir, à décortiquer, à scruter, à réfléchir.

Cette semaine, c’est avec le logo d’Emplois d’Avenir que nous commençons !

Avant l’image

Emplois d’Avenir c’est tout d’abord un projet de loi mis en place par le gouvernement Hollande et plus précisément Michel Sapin, le ministre du Travail. Ce projet de loi destiné à la création des emplois d’avenir sera le premier texte soumis aux députés à la fin de septembre. Il vise la création de 150 000 contrats sur trois ans, dont 100 000 en 2013. À la différence des emplois jeunes créés en 1997 sous le gouvernement socialiste de Lionel Jospin, les emplois d’avenir cibleront uniquement, via des contrats aidés, de jeunes chômeurs sans qualification et dans des zones défavorisées.

Ainsi, comme pour tout plan de com’ qui se respecte, le gouvernement a sorti deux beaux kakémonos – une sorte d’affiche ou un panneau imprimé sur un support souple et pouvant être déroulé – avec… un beau logo !

image

Un logo simple, très simple, rose, très rose. Pour le présenter rapidement, il a été fait en interne, on ne sait pas encore combien  il a coûté et servira à tous les supports de communication d’”emplois d’avenir”. Le projet de loi devient donc une marque, mais j’y reviendrai plus tard. Pour la typographie, allez, je vous le donne en mille, il s’agit du caractère Avenir, un caractère dessiné par le typographe Adrian Frutiger, présenté en 1988 et disponible pour une quaraintaine d’euros chez la fonderie Linotype.

L’Avenir est un beau caractère, parfaitement dessiné et utilisé par de grandes marques comme LG Electronics, la Japan Airline, l’Eurovision, AT&T ou encore Apple!

image

La référence Ooops !

Ce logo, regardons le de plus près. Deux “e”, du rose, du violet, du texte… hmmm, cela ne vous fait penser à rien ? Allez, je vous aide. Du rose, des rencontres… Oui, je vous le donne en mille, ce logo évoque celui de Meetic, le site de rencontres et je ne suis pas le seul à l’avoir remarqué. Manque de références visuelles de la part du graphiste ou réelle volonté de jouer sur les codes graphiques d’un site de rencontres, en tous les cas, ce logo est connoté par le rose, la couleur du désir, ainsi que par ces deux “e” qui s’embrassent ou forment la soixante neuvième position du Kâmasûtra, allez savoir ;-)

Pepsi

Auparavant, un autre logo pour surmonter la crise de l’emploi avait fait couler beaucoup d’encre. Souvenez-vous, en 2008, le logo de Pôle Emploi naissait de la fusion entre les Assedics et l’ANPE. Le chantier revint à l’agence Nomen qui avait réussi à vendre cette prestation 500 000 euros pour Pôle Emploi. Mais le logo avait créé la polémique à cause de sa ressemblance avec le logo de Pepsi.

Et j’en profite au passage, pour vous présenter cette vidéo de Geoffroy Roux de Bézieux (président de l’Unedic) qui s’exprimait à propos du logo, et des travaux d’une commission qui mènerait l’enquête afin de faire baisser le prix de cette dépense. Quatre années plus tard, je serais curieux de savoir ce que cette commission a donné ou… si elle a eu lieu.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Références visuelles

Pour revenir à notre logo, il s’avère assez intéressant que, dans sa forme, deux “e” (dont un à l’envers) s’embrassent, s’épousent. En effet, le premier “e” signifie “emploi” et le second “avenir”… enfin, le second “e” est à l’envers et doit donc être lu comme un “a”, le fameux “a” de avenir ! Voilà qui est mieux. Cependant, comment faire tenir, deux “e” sous une forme graphique intéressante (autrement que pour le logo de Meetic) ? J’ai rassemblé pour vous quelques exemples.

Culture graphique

Tout n’est pas sombre cependant au royaume de la commande publique . Je profite de ce “Vendredi c’est Graphism” pour souligner l’existence de projets assez passionnants proposés par les différents gouvernements qui se sont succédés à commencer par ce site internet dédié intégralement au typographe Garamont !

source

Pour finir, une belle vidéo sur l’investissement de l’État français dans la culture. C’est simple, didactique, de quoi nous faire oublier tous les vilains logos organisés pour promouvoir des projets de lois.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Geoffrey

Sources :

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http://owni.fr/2012/08/31/emplois-davenir-mise-sur-meetic/feed/ 13
Le mirage social du pétrole guyanais http://owni.fr/2012/07/20/petrole-guyane-offshore-shell-total-emploi/ http://owni.fr/2012/07/20/petrole-guyane-offshore-shell-total-emploi/#comments Fri, 20 Jul 2012 08:55:00 +0000 Sylvain Lapoix http://owni.fr/?p=116145

Au large de l'Angola, le groupe Total exploite le gisement Girassol a 1400 metres de profondeur. Un record mondial pour une plate-forme off-shore. Reportage réalisé en 2005. ©Hélène David/Collectif Argos/Picture Tank

Le projet de forage pétrolier au large de la Guyane ne sortira pas de son marasme social le département ultramarin. Confirmée le 22 juin, l’autorisation de travaux pour les recherches d’hydrocarbures sous le plancher océanique était défendue par les élus locaux comme capable de dynamiser la région frappée d’un taux de chômage supérieur à 20%. Or, une fois les déclarations du PDG de la société Shell et les détails des opérations passées en revue, il n’y a guère à espérer plus de quelques centaines d’emplois locaux sur les 19 600 Guyanais qui en cherchent toujours.

Aucune garantie

Le premier poste de création d’emploi possible, c’est la plate-forme elle-même. Loué par Shell pour le compte du consortium, où sont également présents Statoil et Total, le bateau de forage Stena Icemax nécessite selon Shell deux équipes tournantes de 70 personnes ainsi qu’une vingtaine de personnes à terre pour fonctionner en phase d’extraction. Interrogé par le quotidien régional France Guyane en décembre 2011, le PDG de Shell France (filiale du géant anglo-néerlandais créé pour l’occasion) laissait entrevoir la possibilité de salarier une majorité de locaux :

Le président de Shell France s’y est engagé : “La priorité sera toujours locale à compétence égale.” [...] Reste donc à mettre en place les formations et les infrastructures ad hoc. Si c’est le cas, Shell pourrait mener en Guyane la même politique qu’aux Philippines où elle exploite du pétrole avec 75% d’emplois locaux.

A l’occasion de son audition devant le Sénat le 30 mai 2012, Patrick Roméo a quelque peu précisé les modalités d’embauche des Guyanais, lesquelles sont notamment conditionnées par des expériences préalables sur d’autres sites :

Il faut une qualification spéciale pour les emplois sur la plateforme, et notamment l’exigence de parler anglais. Il en découle la nécessité de formations. Shell a ainsi proposé de mettre en place un programme de formation assorti de recrutements, par des entreprises spécialisées dans le secteur pétrolier, qui pourraient s’engager à recruter progressivement quelques dizaines, voire plusieurs centaines de personnes et à les former pendant les quatre à cinq ans à venir sur des activités pétrolières déployées ailleurs dans le monde. Les personnes concernées pourraient ensuite revenir en Guyane avec les qualités requises, à l’occasion du démarrage d’une exploitation.

Un bémol auquel s’ajoutent les conditions d’embauche dans un secteur très concurrentiel sur le coût de main d’oeuvre, “pas sûr que les Guyanais acceptent de travailler aux salaires de base sur les plate-formes que proposera Shell”, commente un spécialiste du secteur.

Le FPSO (floating production,storage and offloading), une barge de 300 metres de long pour pomper, stocker, transvaser le petrole a bord de super-tanker. ©Hélène David/Collectif Argos/Picture Tank - 2005 -

Les 160 emplois directs liés à la plate-forme ne sont cependant prévus que pour la phase d’exploitation qui devrait débuter, si les réserves sont confirmées, en 2019. En amont, le patron de Shell France évoque 25 emplois en cours de création et 60 indirects pour la phase exploratoire. En complément des emplois directs, la majeure partie des emplois “induits” relèvent des “oil field services”, les services à l’entretien et à l’approvisionnement technique et quotidien de la plate-forme.

Pour la phase exploratoire et l’imagerie sous marine, la société française CGGVeritas, spécialisée dans les travaux géophysiques a été désignée explicitement par le PDG de Shell. Un technicien d’une entreprise de service d’exploration détaille la mission d’un tel sous traitant :

Une mission peut durer de quinze jours à deux mois mais mobilise tout au plus un bateau ou deux avec une poignée de salariés spécialisés. Il n’y a pas d’emplois créés : une fois le travail fini, les experts repartent sur une autre mission et les images sont envoyées à un centre d’imagerie.

Une fois l’exploitation engagée, le leader des services aux plate-formes offshore Bourbon pourrait prendre en charge la gestion de l’approvisionnement et de la maintenance en mer, l’entreprise assurant déjà cette tâche pour les sites d’extraction pétrolière de Shell au large des côtes africaines. Contactés par Owni, Bourbon et CGGVeritas n’ont pas souhaité évoquer leurs engagements auprès de la compagnie pétrolière. Un spécialiste du secteur pétrolier maritime chiffre l’intégralité des équipes à terre et en mer pour ce type d’opération à “200 personnes, maximum”.

Si on ajoute à ces effectifs les “créations d’emplois induites”, évaluées par le patron de Shell lors de son audition à “un pour un” par rapport aux salariés de la plate-forme, les retombées de l’activité d’extraction pourraient en 2019 atteindre 500 emplois dans tout le département. “M. Roméo ne nous a donné aucune garantie sur la proportion de ces salariés qui pourraient venir de Guyane, insiste la sénatrice Europe écologie-Les Verts Aline Archimbaud, membre de la Commission chargé du département d’Outre-Mer. Il y a plus de potentiel dans l’agriculture et dans le secteur forestier…”

Sur le bateau-plateforme offshore au large de l'Angola, où le groupe Total exploite le gisement Girassol a 1400 metres de profondeur. ©Hélène David/Collectif Argos/Picture Tank - 2005 -

Sauvetage

En aval de la plate-forme, la possibilité pour la Guyane de raffiner voire de transformer le pétrole brut pouvait représenter une retombée positive en termes d’emplois. A ceci prêt que la Guyane ne dispose d’aucune capacité de raffinage propre et que celle de la France dans la région sont réduites à la consommation locale. Propriété du groupe Total à 50%, la Société anonyme de la raffinerie des Antilles (Sara) ne dispose que de dépôts dans la région de Cayenne, l’activité de raffinage étant intégralement implantée en Martinique pour une capacité de production de 800 000 tonnes de brut par an, lequel est acheminée de champs pétroliers principalement européens (notamment en Mer du Nord). La petite compagnie de raffinage est d’ailleurs menacée par la concurrence du Venezuela, produisant du pétrole localement à bien plus bas coût, et vers laquelle la Guyane elle-même pourrait se tourner. D’où l’inquiétude du président de la délégation sénatoriale à l’Outre mer, Serge Larcher :

Si la Sara perd cette clientèle, cela pourrait être problématique. La Sara est une structure de solidarité entre les départements français d’Amérique.

Stockage ; Raffinerie de Petit-Couronne, Pétroplus via Zigzagzou (Flickr)

L’hypothèse de raffiner une partie du pétrole dans la région se heurte cependant à deux limites techniques : la capacité de raffinage et le type de pétrole. “Le pétrole extrait en Mer du Nord n’est pas aussi profond que celui que Shell pourrait extraire au large de la Guyane, nous explique-t-on à la Sara. Nos installations ne sont pas forcément suffisantes pour raffiner un brut trop lourd, tout dépendra de ce que trouve la compagnie.”

Mais le sauvetage de la Sara est bien loin d’être la priorité des élus. Laquelle était clairement formulée par le sénateur du Puy-de-Dôme, Alain Néri, le 30 mai :

Shell, en France depuis 1919, possédait la raffinerie de Petite-Couronne, qu’il a cédée en 2008 à Pétroplus. Aujourd’hui, la situation sociale et économique est dramatique, et Pétroplus en faillite. On comprend l’inquiétude des 550 salariés du site ! Faisons ensemble un peu de prospective : pourquoi ne pas raffiner le pétrole de Guyane à Petit-Couronne, qui est relié au port du Havre par un oléoduc ?

Au lendemain du remaniement qui avait vu la ministre du Développement durable, opposée au projet guyanais rabattue sur le commerce extérieur, Marianne2 avait révélé que Nicole Bricq avait été la victime du chantage de Shell qui avait échangé le maintien de l’activité du site de raffinage de Pétroplus contre l’engagement de l’Etat à le laisser forer en mer.

Les deux dossiers sont en fait liés d’un point de vue industriel. Mais, dans la bouche du PDG de Shell, il n’apparaît pas comme acquis que les forages au large de la Guyane sauvent le raffinage le long de la Seine :

Le raffinage représente une activité très significative, mais le site de Petit-Couronne ne s’inscrit pas dans nos orientations à long terme. La basse Seine compte déjà deux raffineries beaucoup plus importantes, que Petit-Couronne n’est pas de taille à concurrencer. Nous avons choisi d’investir dans d’autres projets.

Sur le bateau-plateforme offshore, au large de l'Angola, le groupe Total exploite le gisement Girassol a 1400 metres de profondeur. ©Hélène David/Collectif Argos/Picture Tank - 2005 -

Bien plus proche que Le Havre du site d’extraction, le Brésil compte avec sa compagnie nationale Petrobras des capacités de raffinages considérables, qui nous ont été détaillées par leurs services :

La Petrobras dispose de 15 raffineries au Brésil, pour une capacité totale de deux millions de barils de pétrole par jour. […] La majeure partie du brut raffiné par les raffineries Petrobras vient de la production offshore au large des côtes atlantiques du Brésil.

Une capacité 100 fois supérieure à celle de la petite Sara, couplée à des sites de stockage et à une expertise sur le brut offshore indisponible en France à moins de 7 000 km de Cayenne.

Royalties

Le plus gros potentiel éveillé par le pétrole guyanais reposerait en fait dans le partage des bénéfices. Le montant des royalties prélevées sur la valeur du pétrole s’élève, selon le code minier, à 12% de la valeur, auquel s’ajoute l’impôt sur les bénéfices, faisant grimper les prélèvements à 50 ou 60% du prix du brut extrait des eaux guyanaises. Des rentrées fiscales réparties également entre l’Etat et la région et que les élus locaux seraient encore en train de négocier à la hausse avec Shell, selon un conseiller du ministère du Développement durable.

En marge de ses activités et comme pour tous les projets de ce genre, la compagnie pétrolière prévoit des investissements dans deux axes pour stimuler le tissu local, faisant l’objet de deux groupes de travail détaillés par Roméo durant son audition sénatoriale :

Nous développons une connaissance approfondie du milieu, finançons des thèses et participons à des études en cours. […] Le quatrième point concerne les actions en mer : soutien au secteur de la pêche, plan de développement des activités maritimes, aide à la constitution de coopérative de pêcheurs, recherche sur des moteurs plus adaptés, etc. C’est l’objet du dernier groupe de travail, qui associe notamment les pêcheurs.

Dans les deux cas, aucune perspective de création d’emplois n’est envisagée, seulement le soutien aux chercheurs et aux pêcheurs locaux. Autant de bénéfices qui n’atteindront leur pleine expression qu’à l’horizon 2019, quand débutera l’exploitation elle-même. Même en hypothèse haute, les travaux d’extraction ne semblent guère à même d’amener à la création de plus des 500 emplois liés à la plate-forme et ceux permis par les retombées fiscales (suivant les réserves effectives de brut). Loin du millier estimé par M. Roméo. Et pas forcément au bénéfice unique des Guyanais.


Photographies d’Hélène David © tous droits réservés, Collectif Argos/Picture Tank. Reportage réalisé en 2005 sur le bateau-plateforme au large de l’Angola, où le groupe Total exploite le gisement Girassol à 1400 metres de profondeur.

Photo de Petroplus au Havre par CC BY Zigazou76 via Flickr

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Les Data en forme http://owni.fr/2012/07/10/les-data-en-forme-episode38/ http://owni.fr/2012/07/10/les-data-en-forme-episode38/#comments Tue, 10 Jul 2012 16:07:32 +0000 Paule d'Atha http://owni.fr/?p=115889 Owni se plonge dans... le travail, cuisine avec des infographies, tweete sa nourriture ou encore économise de l'eau. Un beau programme d'été !]]> “Back to basics” pourrions-nous intituler le début de cette 38ème chronique des Data en forme. Trois applications interactives de visualisations de données nous ont en effet chatouillé l’oeil durant cette semaine de veille.

Un demi-siècle de travail

La plus réussie, sans conteste, est celle de General Electrics (GE) mettant en scène 50 ans de données sur l’emploi aux États-Unis.

Intitulée “Who’s been working in America ?”, l’application contient une masse de données impressionnante, servie par une navigation fluide et des choix de visualisation clairs. L’application a été conçue pour servir l’information et le contenu, un aspect qui fait souvent défaut aux infographies ou dataviz, qui cherchent souvent avant tout à impressionner esthétiquement l’internaute.

Par exemple, un petit drapeau orange signale les “points d’intérêts” dans les données et donne ainsi du sens aux longues séries chiffrées. De même, trois modes de représentation graphiques sont disponibles pour visualiser les données par secteur, par âge et par genre : silhouette, histogramme, carrés. Une frise chronologique permet de s’arrêter sur chaque année et d’avoir le contexte économique de l’époque : taux de croissance de l’emploi, revenu moyen d’un foyer, coût d’une nouvelle maison. Détail là aussi, mais qui témoigne d’un travail profond : chacun de ces indicateurs peut être consulté en dollars 2011 ou en dollars de l’année en question.
Pour l’année 2011, un nouvel onglet intitulé “View GE perspective” apparaît à côté de “What the economy looked like” qui présente les efforts réalisés par General Electrics sur les questions d’emploi. Un rappel discret que cette visualisation – et a fortiori l’ensemble des projets publiés sur le site Visualizing -, bien que passionnante et servant les intérêts de la datavisualisation, est conçue par une entreprise, et donc comme une technique de communication.

Working in America

Nourriture, humeur, Twitter

Cette seconde application, “FoodMood” est plus ambivalente. Intéressante au niveau du concept, la réalisation laisse un peu à désirer en termes d’ergonomie et de navigation. Ce projet a pour ambition de connaître puis représenter les liens entre nourriture et émotions. Quelle émotion (joie, satisfaction, dégoût…) nous apporte un hamburger ou une tarte à la fraise ? Ce sentiment est-il le même dans un autre pays voisin ? Pour construire ces données, Affect Lab (une équipe pluridisciplinaire de chercheurs, designers et informaticiens à l’origine de ce projet) a choisi de scraper l’ensemble des tweets faisant référence à la nourriture et, en se basant sur les recherches de l’Université de Stanford, d’appliquer des “émotions” sur ces tweets.

En temps réel, et en remontant si besoin jusqu’à avril 2011, il est possible de sélectionner des pays (ou des groupes de pays déjà prédéfinis, par exemple “pays les plus riches”). Le résultat de la recherche s’affiche alors sous la forme d’un treemap présentant les aliments les plus tweetés. La case est colorée selon l’émotion qui est associée à cet aliment dans ce tweet. Au survol du nom de chaque pays, une data-fiche d’identité (niveau d’obésité, PIB, etc.) tout en symboles, plutôt réussie, est affichée. La navigation pêche, en revanche, quand on souhaite entrer plus en profondeur dans les données : il est alors impossible de revenir aux résultats généraux des pays précédemment sélectionnés.

Food Mood

Where is my train ?

Que celui qui ne s’est jamais posé cette question jette le premier RER. L’application “WIMT” développée par Cédric Esnault et Vincent De Oliveira affiche en temps “semi-réel” les trains, RER sur leurs lignes respectives. Il est possible de les consulter, de visu, sur l’application, ou de sélectionner une gare sur la carte, puis sa ligne et sa direction, pour obtenir les horaires. Le site précise que les données sont en temps “semi réel” “car les données officielles sur la position en temps-réel ne sont pas accessibles et sont détenues par la RATP. C’est pourquoi les horaires sont basés sur les temps théoriques de passage en gare.” Ah les données de la RATP…

Wimt

De l’eau dans mon café

Après les Pixies, John Lennon. L’application “Imagine all the water”, créée par la Commission européenne, est un ensemble de petits carrés cliquables résumant le problème de l’empreinte hydrique, au travers de quelques exemples du quotidien : combien de litres d’eau nécessaires à la production d’un hamburger, d’un T-shirt ou encore une pinte de bière. Les autres liens renvoient vers une documentation plus précise ou des vidéos explicatives.

On apprend ainsi qu’un café demande 132 litres d’eau par tasse. Et la Commission européenne de nous engager alors à “remplacer le café par le thé, qui représente une empreinte hydrique bien plus faible”. Tout comme son empreinte stressique sur notre organisme.

Imagine All The Water

Da Civil Code

Quand on vous dit que la dataviz colonise tous les milieux… Même celui, particulièrement aride, de la législation française. Jacques Verrier, étudiant en informatique à l’Université de Technologie de Compiègne (UTC) a réalisé avec Gephi et sigmajs une datavisualisation du Code civil qui relie les articles se faisant référence, quelque soit le livre ou la section. Il explique sa méthode chez nos collègues de Data Publica.

Se révèlent ainsi les articles particulièrement modifiés ou faisant appel à un grand nombre d’articles : ceux sur la nationalité française, ou encore sur le divorce font par exemple partie des “noeuds” les plus visibles.

Code Civil

Sus aux clics

Après toutes ces applications interactives, voilà un lien pour reposer les doigts et faire travailler les yeux. Inutile de crier au “vieux lien” (“oldlink” pour les anglophones) : oui, ce post de blog date de décembre 2009. Il n’empêche que se replonger dans 30 beaux exemples d’infographies ne peut pas faire de mal. Si certaines tiennent le haut du pavé depuis longtemps – comme la représentation des différences entre droite et gauche par David McCandless – d’autres peuvent vous être plus inconnues, comme la visualisation des pays producteurs de vins sous forme de grappe (par le designer brésilien Alexandre Suannes) ou de celle de l’état d’Internet sur le continent africain (InfoState of Africa).

Infographie en toute saison

Marre de ne pas savoir quand consommer des tomates, des blettes ou des oranges ? Ces jolis posters de Chasing Delicious, un chouette site plein de recettes et d’infographies culinaires, vous renseigneront sur les saisons pendant lesquelles déguster les fruits et légumes et donc consommer de manière plus responsable. Et ils orneraient très probablement la cuisine de tout data-journaliste digne de ce nom.

Chasing Delicious

Bonne data-semaine à tous !


Retrouvez tous les épisodes des Data en forme !

La veille de cette semaine a été réalisée avec Camille Gicquel, nouvelle stagiaire de Paule d’Atha.
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François Hollande choisit ses années http://owni.fr/2012/04/24/francois-hollande-choisit-ses-annees/ http://owni.fr/2012/04/24/francois-hollande-choisit-ses-annees/#comments Tue, 24 Apr 2012 18:14:02 +0000 Marie Coussin http://owni.fr/?p=107789 OWNI-i>Télé, François Hollande reste devant Nicolas Sarkozy de plus de deux points, avec 55 % de crédibilité.]]> Le classement duVéritomètre, permettant de vérifier l’exactitude des déclarations chiffrées ou chiffrables des principaux candidats à la présidentielle, a pris des airs de duel, entre-deux-tours oblige. L’écart entre les deux candidats reste important : François Hollande est en tête à 55 %, Nicolas Sarkzoy pointe à 43,6 %.

Durant ces dernières 24 heures, l’équipe du Véritomètre a vérifié 22 citations chiffrées des candidats à l’élection présidentielle. Nous nous sommes également intéressés aux documents de campagne qui mettent en scène les données et qui prennent une place cruciale dans les argumentaires des candidats, comme “La lettre aux Français” de Nicolas Sarkozy ou “Le dépôt de bilan” réalisé par le Parti socialiste. Ou encore ce joli tract distribué par la fédération des Hauts-de-Seine. Ces documents feront l’objet d’analyses complètes durant l’entre-deux-tours.

Résumé des quelques faits qui ont retenu notre attention.

François Hollande gauche sur les emplois industriels

François Hollande aime fustiger la politique industrielle de son concurrent, avec cette donnée clef :

400 000 emplois industriels qui ont été perdus.

Répétée à l’envi : lors de son discours de Lorient le 23 avril, dans l’émission “Parole directe” de TF1 du 18 avril, mais aussi chez Christophe Barbier sur i-Télé le 10 avril, ou encore pendant son discours de Mont-de-Marsan, le 29 mars…

Or ce chiffre est incorrect : selon l’Insee, la France est passée de 3,6391 millions d’emplois industriels au premier trimestre 2007 à 3,2957 millions au dernier trimestre de 2011. Soit une perte de 343 400 emplois et non 400 000.

Etonnement, le PS semble mieux renseigné que son candidat : le tract évoque un chiffre plus proche de la réalité, de 350 000, dans un graphique mettant en scène l’histoire des emplois industriels en France entre 1993 et 2002.

L’Insee (source indiquée par le Parti socialiste) nous gratifie des données par trimestre, depuis 1970. En calculant, pour plus de visibilité, la moyenne par année, les chiffres donnent le graphique suivant.

Le graphique ne présente pas une réalité considérablement différente de celui du PS. En revanche, il montre bien que les emplois industriels chutent depuis les années 1970, à l’exception d’une remontée entre 1988 et 1990, ainsi qu’entre 1999 et 2001.

De plus, les données semblent contredire l’argumentaire socialiste selon lequel les gouvernements de droite font perdre des emplois industriels, ceux de gauche en créent. Sous François Mitterrand, la situation n’est pas vraiment meilleure : entre 1981 et 1988 (gouvernements Mauroy et Fabius), la France a perdu 504 000 emplois industriels, soit davantage même que pendant la présidence Sarkozy.

Le PS doit cependant se baser sur d’autres chiffres. Car les chiffres de l’Insee ne donnent pas les mêmes résultats que ceux présentés sur le tract. Que ce soit en calculant par année, ou par trimestre (en prenant le second trimestre, celui durant lequel ont généralement lieu les investitures, comme référence), impossible de retomber sur les éléments présentés par le tract socialiste :

Non seulement le PS semble exagérer les chiffres pour les périodes 1993-1997 et 1997-2002, mais en ne présentant les données que depuis 1993, ils sous-entendent un lien entre gouvernement de droite et perte des emplois industriels invalidé par les données historiques.

François Hollande oublie les DOM-TOM

Selon l’argumentaire du PS et de son candidat, Nicolas Sarkozy est également responsable de la hausse du chômage. Comme François Hollande l’évoquait à Lorient le 23 avril :

C’est celui qui a laissé le chômage atteindre 10 % de la population active.

Les derniers chiffres de l’Insee indiquent en effet pour le quatrième trimestre 2011 un taux de chômage de 9,4 % en France métropolitaine et 9,8 % en tenant compte des territoires d’Outre-Mer.

Son tract de campagne est plus précis, présentant là aussi une période historique, mais plus restreinte que celle mise en avant sur les emplois industriels. Sur ce graphique, le PS se concentre uniquement sur le quinquennat de Nicolas Sarkozy.

Le graphique indique la source (Dares) et fait plus ou moins référence à la catégorie de demandeurs d’emploi représentée ici en parlant de personnes “sans emploi ou en emploi précaire”. Cela peut correspondre aux catégories A, B et C : personnes sans emploi (catégorie A), ayant exercé une activité réduite courte, d’au plus 78 heures au cours du mois (catégorie B), ou une activité réduite longue, de plus de 78 heures au cours du mois (catégorie C).

Les chiffres présentés par le PS correspondent à ceux relevés par la Dares qui dénombrait 4,2786 millions de demandeurs d’emploi en février 2012 (dernières données disponibles) ; 3,840 millions en décembre 2009 ; 3,249 millions en décembre 2008 et 3,093 en décembre 2007.

Pour les années 2010 et 2011 par contre, si les données restent dans l’ordre de grandeur évoqué par le PS, difficile de savoir quel mois de référence ils ont choisi. Car en décembre 2010 la Dares recense 4,0309 millions de chômeurs et non 4,05 ; et 4,2534 millions en décembre 2011 et non 4,27.

Et surtout, les données présentées par la Dares ne prennent en compte que la France métropolitaine. Le (peut-être) futur président de tous les Français oublie donc une large partie du territoire.

Une balance floue

Le dernier graphique présenté par le PS sur son tract n’est pas très précis : les valeurs ne sont pas indiquées, seule l’échelle de gauche permet de donner une idée du montant du solde du commerce extérieur en France.

L’équipe du Véritomètre avait déjà inséré les données relatives à la balance commerciale de la France dans l’application, issues de l’Insee et non de l’ONU comme le source le tract du PS. Mais les tendances évoquées sont les mêmes :

Cependant si l’on reprend la tendance large évoquée par l’Insee, on voit que les années où la Gauche était au pouvoir présentent également en dents de scie.

Les données issues de ce tract, que le PS s’est pourtant donné visiblement la peine de chercher, sourcer, scénariser et représenter graphiquement, ne sont pas celles que l’on retrouve pour la visualisation interactive du PS intitulée “Le dépôt de bilan de Nicolas Sarkozy”. Nous aurons l’occasion de revenir également sur ces chiffres.


Les vérifications des interventions sont réalisées par l’équipe du Véritomètre : Sylvain Lapoix, Nicolas Patte, Pierre Leibovici, Grégoire Normand et Marie Coussin.
Retrouvez toutes nos vérifications sur le Véritomètre et nos articles et chroniques relatifs sur OWNI
Illustrations par l’équipe design d’Owni /-)

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Objectif électeurs #2 http://owni.fr/2012/04/15/objectif-electeurs-2-elections-presidentielle-photojournalisme/ http://owni.fr/2012/04/15/objectif-electeurs-2-elections-presidentielle-photojournalisme/#comments Sun, 15 Apr 2012 12:37:47 +0000 Ophelia Noor http://owni.fr/?p=106053 21 voix pour 2012, ce sont 21 photojournalistes partis à la rencontre de 21 électeurs aux quatre coins de la France. Une série de portraits qui vise à témoigner des préoccupations et des attentes de citoyens à quelques semaines des élections présidentielles.
Objectif électeurs

Objectif électeurs

OWNI est partenaire du projet 21 voix pour 2012, soit 21 portraits d'électeurs par des photojournalistes, autour ...

Prendre le pouls des électeurs, dans leur diversité politique, sociale, économique. Certains se prononcent pour un candidat, d’autres hésitent ou choisissent de voter blanc.

Les personnes ont été choisies en fonction des thématiques qui traversent les débats de la présidentielle, 21 en tout, – chômage, réforme de la retraite, immigration, agriculture, décroissance, éducation, etc. – Chaque photojournaliste a choisi un électeur en fonction de la thématique qui les intéressait ou en fonction des contraintes du projet (respect de la parité, diversité et thèmes et des catégories socio-professionnelles). Puis le réseau de leurs contacts a fait le reste.

Le deuxième volet de ces 21 P.O.M (Petites Œuvres Multimédia) part à la rencontre de Fabienne, enseignante à ESMOD et déçue du sarkozysme, par le photographe Benjamin Leterrier. Et de Delphine, jeune diplômée à la recherche d’un emploi, par la photographe Karin Crona. Nous vous donnons rendez-vous le 19 avril à La Cantine pour une soirée de projections et de débat autour de la représentation et la perception du politique dans les médias.

Karin Crona : le chômage

Delphine au Secours catholique. Elle y est bénévole sur son temps libre. ©Karin Crona/21voixpour2012

Karin Crona, a rencontré Delphine à un moment de ras le bol dans sa recherche d’emploi. Elle enchaînait les stages sans jamais trouver de CDD ou de CDI depuis plus d’un an. “Ce qui m’a frappé c’est sa volonté de ne pas rester inactive, de ne pas baisser les bras. Elle attendait une réponse pour un CDD quand je l’ai rencontrée mais elle était prête à reprendre un stage si cela ne marchait pas” raconte Karin.

Delphine donne du temps au Secours catholique, franchit de portes et enchaîne les entretiens. Karin ajoute,“au début de sa vie professionnelle, on a envie de s’investir et on ne s’attend pas à la commencer avec du chômage ou des stages à n’en plus finir. J’espérais pouvoir montrer ce cheminement, dans la recherche d’un emploi”.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Un si long chemin…

Delphine habite un immeuble élégant dans le 17eme arrondissement de Paris. Je l’ai vu deux fois chez elle. Pour accéder à sa chambre de bonne, il faut franchir beaucoup de portes, traverser la cour de l’immeuble jusqu’au fond, prendre les escaliers de service jusqu’au 7ème étage à pied et longer des couloirs. Ces escaliers sont étroits et vides. On se sent seul dans l’ascension, sans présence de voisins, avec sonnettes et paillassons. Pour moi, tout ce trajet était devenu symbolique du chemin qu’elle a du parcourir pour trouver du travail.

Delphine, jeune diplômée à la recherche d'un emploi par ©Karin Crona/21 voix pour 2012

Au départ, je voulais faire une séquence de stop motion où elle marche dans ce long couloir. Je lui ai demandé de se placer, et j’ai fait les photos. J’aimais bien cette lumière qui sortait derrière elle, au bout de ce long tunnel. Ce n’est qu’au moment du montage, que cette photo ma frappée, avec toute la symbolique qui s’en dégageait. Je trouvais qu’elle sortait du lot, qu’elle cristallisait son histoire et je l’ai gardée telle quelle.

Benjamin Leterrier : éducation et emploi

“Notre démarche sur le projet 21 voix pour 2012 était de respecter entre autres choses, la parité. À un moment donné, nous avions 5 femmes représentée pour 16 hommes. C’est cette contrainte qui m’a fait découvrir l’univers de la mode et m’intéresser de plus près aux enjeux de l’éducation et de l’emploi des jeunes,” raconte Benjamin Leterrier. Il rencontre Fabienne, professeur de stylisme à l’Ecole supérieure des arts et techniques de la mode (ESMOD).

Les élèves de l'école ESMOD au travail © Benjamin Leterrier/21 voix pour 2012

Déçue des promesses faites par le gouvernement Sarkozy, c’est son rapport avec ses élèves, son inquiétude et son sens de la responsabilité face à leur avenir qui a frappé Benjamin Leterrier. “On voit qu’elle est proche d’eux, qu’elle se sent responsable, et en opposition, elle ressent très fortement l’éloignement des hommes politiques des citoyens.”

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Transmission

C’était en fin d’après-midi. Les élèves ont tous un projet personnel de collection de vêtements à réaliser sur plusieurs mois. Ce jour là, ils passaient voir Fabienne avec leurs ébauches. ESMOD accueille beaucoup d’élèves des pays asiatiques et Fabienne donne aussi ses cours en anglais. Son parcours personnel est intéressant car elle a étudié dans cette même école, puis a travaillé dix ans en Chine dans une usine de textile avant de revenir travailler ici.

Fabienne et son élève © Benjamin Leterrier/21 voix pour 2012

Toutes les deux étaient très concentrées comme dans une bulle. Autour d’elles il y avait plusieurs élèves dans une grande salle. Je me suis placé comme une petite souris derrières elles. C’est ce moment de proximité, de transmission et d’attention que je voulais capter.


Photographies par Karin Crona © etBenjamin Leterrier © tous droits réservés

OWNI s’associe à au projet 21 voix pour 2012 avec La CantineSilicon Maniacs, Youphil, L’Atelier des médias, l’EMI-CFD et le Studio Hans Lucas. Nous vous donnons rendez-vous le 19 avril à La Cantine pour une soirée de projections et de débat autour de la représentation et la perception du politique dans les médias. Inscrivez-vous !

Les photojournalistes :

Karin Crona a 43 ans et vit en France depuis 12 ans. Graphiste de métier, dans l’édition et dans la presse, elle décide de faire de la photographie son métier principal depuis 5 ans. C’est le partage de ses clichés sur internet qui la pousse à se lancer. Elle traite des thèmes sociaux, liés à l’éducation, la précarité et l’exclusion.

Benjamin Leterrier a 38 ans. Biologiste et journaliste de formation, il découvre la photographie en 2001 lorsqu’il part s’installer à la Réunion. Il commencera à collaborer avec la revue du CNRS en avril 2012.

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Les bébés cachés des 35 heures http://owni.fr/2011/09/04/gateau-de-lemploi-35-heures/ http://owni.fr/2011/09/04/gateau-de-lemploi-35-heures/#comments Sun, 04 Sep 2011 08:11:13 +0000 Sans rationalité et sans finalité http://owni.fr/?p=78081 Une déclaration du Secrétaire d’État Frédéric Lefebvre est passée inaperçue : le sarkoziste canal historique a fait sienne la mesure politique que honnit pourtant son camp. Lefebvre a déclaré qu’il fallait revenir aux 35 heures pour faire baisser le chômage en France !

En réalité pas vraiment, mais presque : il a plutôt affirmé que nous avions un taux de chômage élevé car :

Il faut dire la réalité : parce qu’on a un taux de natalité beaucoup plus important que beaucoup d’autres pays.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

J’aime beaucoup le « il faut dire la réalité » de notre Secrétaire d’État.

Je l’aime d’autant plus que cela revient à faire des 35 heures une réalité tout aussi substantielle. En effet, l’affirmation du Secrétaire d’État se fonde sur la même « théorie » économique : celle qui voit le nombre d’emplois comme un gros gâteau dont la taille est intangible et qu’il est donc d’autant plus difficile – voire impossible – à partager qu’il y a de convives. Ce que nous dit le Secrétaire d’État est, en effet, que nous avons des chômeurs parce que le nombre de convives (d’actifs) augmente dans notre pays en raison des naissances nombreuses alors qu’ailleurs, il stagne (un ailleurs qui se réduit à la seule Allemagne décidément le seul point de comparaison dont disposent les hommes politiques de droite). Et comme le gâteau (le nombre d’emplois) reste le même, cela fait autant de chômeurs.

Pourquoi les chômeurs français sont-ils privés de gâteau?

C’est très exactement un raisonnement de ce type qui a justifié, du moins pour les plus économiquement naïfs des socialistes, l’adoption des 35 heures, à la fin des années 1990. Car, au moins, les socialistes avaient la vertu d’aller au bout de leur raisonnement : si le problème est que le gâteau (le nombre d’emplois) est fixe, et que le nombre de convives augmente, alors il n’y a qu’une seule solution : diminuer la taille de la part de gâteau de chacun (baisser le nombre d’heures travaillées) pour que tous puissent manger (qu’il n’y ait plus de chômeurs).

Au contraire, le gouvernement auquel appartient Frédéric Lefebvre a adopté tout une série de mesures qui, d’une part, augmentent le nombre de convives et qui, d’autre part, accroissent la part de gâteau de ceux qui ont la chance d’en avoir une. La réforme des retraites conduit, en effet, à ce que les plus de 60 ans ne partent pas à la retraite, augmentant d’autant le nombre d’actifs. Le maintien de la défiscalisation des heures supplémentaires (au-delà des emplois bénéficiant de réduction de charges) conduit les actifs en emploi à travailler des heures qui auraient pu être effectuées par des chômeurs.

Et ceci est d’autant plus cruel qu’en effet, le Secrétaire d’État a raison à court terme : lors d’une crise de demande massive, comme celle que traverse notre économie, le nombre d’emploi ressemble à un gros gâteau qui n’augmente pas -la demande étant insuffisante pour inciter les entreprises à accroître leur production, et à embaucher pour cela.

Mais ce raisonnement ne vaut que dans des circonstances exceptionnelles et à court terme. Sur le long terme, le nombre d’emplois s’ajuste globalement au nombre d’actifs. Il n’y a aucune raison qu’il en soit autrement : tout actif est par définition capable de travailler et, pour autant que le marché assume sa fonction coordinatrice, il n’y a aucune raison qu’il ne puisse échanger sa production, ou ses capacités productives, avec d’autres acteurs. Plus le nombre d’actifs grandit, plus la production s’accroît. C’est pour cela que le taux de croissance potentielle d’une économie ne dépend que de deux choses : ses gains de productivité et la croissance de sa population active. Le gâteau ne possède pas une taille intangible : il grossit avec le nombre de convives – pour la simple raison que chaque convive en produit sa part.

Nombre d'emplois rapportés à la population active en France de 1968 à 2005.

Et c’est bien ce qui s’est passé en France jusqu’à la crise de 1975. Le problème de la France est le fait que son économie n’a jamais été capable de récupérer, par la suite, durant les phases de croissance rapide, par des créations d’emplois plus importantes que celle de l’augmentation de la population active, les conséquences des périodes de croissance faible ou négative, qui entraînent une croissance du nombre d’emplois plus faible que la population -voire même des destructions d’emplois. Les créations d’emploi soutenues entre 1985-1990 et 1997-2001 n’ont pas compensé les périodes de destruction (1975 ; 1984-1985 ; 1991-1993) ou de faible croissance.

C’est cela qui caractérise en propre l’économie française (et, dans une moindre mesure, les économies européennes), notamment en comparaison avec les États-Unis, où ce phénomène ne s’est pas produit. L’économie américaine a même inséré des dizaines de millions de travailleurs immigrés.

Article publié initialement sur le blog Sans rationalité et sans finalité sous le titre Exclusif : Frédéric Lefebvre est favorable aux 35 heures.

Photos FlickR PaternitéPas d'utilisation commercialePartage selon les Conditions Initiales fablibre ; Paternité nerissa’s ring.

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L’art et la manière d’interpréter les sondages http://owni.fr/2011/05/24/lart-et-la-maniere-dinterpreter-les-sondages/ http://owni.fr/2011/05/24/lart-et-la-maniere-dinterpreter-les-sondages/#comments Tue, 24 May 2011 08:47:18 +0000 Denis Colombi (Une heure de peine) http://owni.fr/?p=64065 Un sondage tombe toujours comme un arbre dans la forêt : il ne fait du bruit que s’il y a quelqu’un pour l’entendre. Le problème, comme le fait remarquer Terry Pratchett, c’est qu’il y a toujours quelqu’un : habitants de la forêt, animaux, insectes, parasites et autres. En matière de sondage, on a l’équivalent : hommes politiques, commentateurs et éditorialistes peu scrupuleux, chroniqueurs divers… Nul doute qu’ils vont se repaître avec gourmandise pour les années à venir de ce nouveau résultat :

Près d’un jeune sur trois souhaite être fonctionnaire.

Il ne reste plus qu’à s’asseoir et à attendre patiemment le début de la rumeur, puis de la curée, des commentaires culturalistes qui vont s’appuyer sur un tel chiffre – qui perdra bien assez vite son origine pour devenir une vérité tenant d’elle-même – pour nous expliquer que, décidément, la France a un problème avec les entreprises, que les jeunes Français manquent de cette volonté d’entreprendre, cet esprit d’initiative, cette disposition générale de l’entrepreneur seul contre tous, debout au bord d’une falaise avec le vent dans les cheveux qui seule pourrait nous sauver des Chinois qui vont nous bouffer.

Ce n’est pas la première fois : il y a peu de temps encore, on pouvait entendre dire, sans savoir d’où cela venait, que 75% des jeunes voulaient devenir fonctionnaire. Ce ne sera pas la dernière. Il faut malheureusement reconnaître que la répétition d’une même farce finit par avoir quelque chose de tragique.

Pourquoi ne pas titrer sur le privé ?

Il suffit, pour se convaincre que c’est là le destin qui attend ce chiffre, de lire un peu plus l’article du blog du Monde Question(s) Sociale(s) que je prends en référence. Son titre est clair : “Près d’un jeune sur trois souhaite être fonctionnaire”. Mais lorsque l’on lit un peu plus avant, on tombe sur ceci:

La proportion de jeunes attirés par le statut de salarié du privé est également nettement plus marquée que la moyenne (27%, + 8 points), tout comme celle de ceux qui se verraient bien en travailleurs indépendants (24%, + 4 points), précise ce sondage effectué selon la méthode des quotas auprès d’un échantillon de 1139 personnes représentatifs de la population française âgée de 18 ans et plus.

Pourquoi l’auteur de l’article n’a-t-il donc pas titré “Un jeune sur quatre souhaite travailler dans le privé” ou “Près d’un jeune sur quatre voudrait devenir travailleur indépendant” ? Si l’on fait mine de prendre au sérieux ce sondage, ce sont là des résultats tout aussi significatifs et importants. La différence avec la moyenne nationale est même plus marquée pour ceux qui veulent travailler dans le privé que pour ceux qui veulent rejoindre les rangs des fonctionnaires (“+4 points par rapport à la moyenne nationale” nous précise l’article).

C’est donc que ce résultat s’inscrit dans un cadre idéologique bien particulier qui, soit par l’intention consciente du commentateur, soit par le poids que font peser les débats passés sur l’écriture présente, pousse à privilégier cette information là sur les autres. Les autres commentaires suivront, dans les colonnes du Figaro ou dans la bouche d’Alain-Gérard Slama et consorts, pour expliciter ce qui n’est ici qu’implicite : que tant de jeunes veuillent perdre leur vie à devenir fonctionnaire est un problème pour la France.

Il y a quelque chose d’admirable dans la capacité qu’a le débat public à brasser ainsi du vent. Car c’est bien ce que fait ce sondage : agiter, avec une force et une conviction peu commune, de l’air. Je l’ai dit précédemment : le plus gros problème avec le sondage n’est pas dans leur méthodologie mais dans la capacité de ceux qui les commentent à les interpréter. Ceux-là se laissent prendre par un piège positiviste qui prêtent une objectivité et une évidence au chiffre en tant que tel : un sondage dit forcément quelque chose puisque c’est un chiffre ! Et un chiffre, c’est simple à lire ! Pourtant ce chiffre de 30% des jeunes souhaitant devenir fonctionnaire ne nous dit strictement rien.

En effet, qu’est-ce que cette question :

Dans l’idéal,vous souhaiteriez être / auriez aimé être …? (une seule réponse possible)

avec comme proposition de réponse :

Fonctionnaire ; Travailleur indépendant (comme artisan, commerçant…) ; Salarié du privé ; Profession libérale ; Homme/Femme au foyer ; Ne se prononce pas

Que veut dire fonctionnaire ? La fonction publique est malheureusement pour les sondeurs quelque chose de vaste et de complexe : à peine quelques millions de membres… Et les représentations de ce qu’est un fonctionnaire ne sont pas simples : on y confond facilement la fonction publique territoriale et d’État, les contractuels et les titulaires, les différentes catégories, etc.

Question à interprétations multiples

Que peut donc vouloir dire ce terme pour les répondants ? Sans doute des choses très différentes : certains ont en tête un poste précis, et auraient souhaité devenir enseignant ou conservateur du patrimoine ou professeur au Collège de France ou facteur, d’autres n’y attachent que l’idée que c’est un emploi de bureau, éloigné des difficultés du travail ouvrier auquel ils ont pu être confronté – les jeunes interviewés par Stéphane Beaud par exemple -, d’autres encore ne doivent y voir qu’un poste tranquille et protégé et hésiteraient peut-être si on leur proposait de devenir militaire ou policier…

Bref, on agrège ici des réponses qui ont des origines tellement différentes, des raisons, des justifications et des causes qui sont si diverses, que l’on ne peut strictement rien en dire : impossible d’en inférer, par exemple, un refus de la concurrence ou une paresse bien française, car certains espèrent trouver dans la fonction publique un travail qui fasse sens pour eux et d’autres seront attirés par les postes de pouvoir… Aucun commentaire n’est possible. C’est la conclusion à laquelle devrait parvenir toute personne qui se pencherait un peu sur ce chiffre.

Il aurait été possible pourtant d’avoir des informations plus précises, soit en posant une série de questions sur les préférences des individus en matière d’emploi (“préféreriez-vous un salaire élevé ou un faible risque de perdre votre emploi ?”, “Quelle est la caractéristique de l’emploi qui est la plus importante pour vous ?”, etc.), soit en proposant une liste d’emplois divers et en demandant aux enquêtés de les classer en fonction de leurs préférences. Mais tout cela prend du temps, en conception et en analyse. Et pour cela, ni les instituts de sondages ni ceux qui consomment leurs produits jusqu’à plus soif n’y sont bien disposés.

Un sondage nous en apprend surtout sur son commanditaire

En soi, ce sondage n’est pas sans intérêt. Mais il nous apprend plus de choses sur ceux qui l’ont commandé, conçu et commenté, et sur tous ceux qui à l’avenir l’utiliserons, que sur la population et les phénomènes qu’il prétend mettre en lumière. Il nous dit beaucoup de l’allant-de-soi concernant les problématiques de l’emploi et du travail en France. Le sondage prétend appréhender l’image que les Français, et plus particulièrement les premiers concernés à savoir les 18-24 ans, ont de la situation professionnelle des jeunes. Mais cette situation professionnelle se résume en fait à des questions sur l’emploi : ni sur le contenu du travail, ni sur les conditions de celui-ci. La question privilégiée est celle de l’obtention d’un emploi, et les questions tournent essentiellement autour de l’optimisme ou du pessimisme des jeunes.

C’est dans ce cadre-là que l’on peut mieux comprendre le sens de l’échelle proposée dans le sondage “Fonctionnaire ; Travailleur indépendant (comme artisan, commerçant…) ; Salarié du privé ; Profession libérale ; Homme/Femme au foyer ; Ne se prononce pas”. Ce que doit mesurer, dans l’esprit de ceux qui ont fait le sondage, cette échelle est très probablement le risque et l’optimisme des jeunes, – “Fonctionnaire” constituant, semble-t-il, le degré le plus bas. L’interprétation est presque déjà écrite donc. La curée peut commencer.


Crédits Photo FlickR by-sa hfabulous / by-nd alibaba0

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Revenu garanti, travail choisi http://owni.fr/2011/03/17/revenu-garanti-travail-choisi/ http://owni.fr/2011/03/17/revenu-garanti-travail-choisi/#comments Thu, 17 Mar 2011 18:38:23 +0000 Stanislas Jourdan & Sylvain Lapoix http://owni.fr/?p=52019 L’allocation universelle n’a rien d’une idée neuve. En revanche, elle a tout d’une idée marginale : utopique, sociale, portée par des mouvements alters… Les divers écoles de pensées qui tiennent au revenu minimum n’ont jamais réussi à percer le plafond de verre des médias grand publics. Malgré la tentative de Christine Boutin en 2003, ce débat là était resté verrouillé.

C’est pourquoi, en annonçant sur le plateau du JT de France 2, le 24 février 2011, son intention de proposer la mise en place un “revenu citoyen” de 850€, Dominique de Villepin suscite enthousiasme de ceux qui depuis longtemps défendent l’idée. Et si Villepin venait de briser un tabou ?

Cliquer ici pour voir la vidéo.

La remise en cause du travail comme seul mode d’existence sociale

Car, en touchant au lien considéré comme sacré entre rémunération et travail, c’est à un pilier de la société moderne que l’on s’attaque : de l’obtention d’un crédit à la consommation à la location d’un appartement, d’une discussion entre amis à la présentation à la belle famille, l’emploi salarié est une norme sociale d’une puissance terrible. Sociologue du travail, Yolande Bennarosh décrypte ainsi cette « centralité historique du travail » :

[Elle] se résume essentiellement dans les couples droit-devoir, droit-obligation, contribution-rétribution qui impriment une conception du vivre-ensemble où c’est la contribution de chacun à la société qui le légitime à en attendre quelque chose en retour et lui assure la reconnaissance des autres. […] il devient, du même coup, le vecteur principal de l’identité personnelle et sociale.

De cette conception du travail comme seule façon « d’être en société » découle le fameux sentiment de malaise due à l’inutilité des chômeurs. Enfermé dans ce cocon anxiogène où il se répète qu’il ne « contribue pas à l’œuvre collective », le non-salarié est mûr pour les discours culpabilisant de Pôle Emploi et autres instituts de placement qui lui font porter personnellement la responsabilité de son inactivité. Un jugement d’autant plus injuste qu’avec la massification du chômage, il relève de la pirouette intellectuelle de transformer un fait de société en tragédie individuelle (même si l’exercice est devenu un classique du genre, notamment dans la lutte contre la toxicomanie).

Or, dissocier revenu et travail constitue justement une manière de répondre à cette angoisse sociale. Dans le régime actuel, la rémunération ne récompense qu’un seul type de contribution : le travail salarié. Une société qui distribuerait de manière « inconditionnelle » un revenu ne viserait à rien d’autre qu’à l’inclusion (par opposition à l’exclusion) de tous ses membres, laissant à chacun la liberté de choisir la façon dont il souhaite oeuvrer pour la collectivité. Un principe décrit par Alain Caillé (fondateur du Mouvement Anti-utilitariste dans les sciences sociales, ou Mauss) comme une « inconditionnalité conditionnelle ».

Donner aux citoyens le choix de leur contribution à la société

Et les réactions des bénéficiaires d’un revenu universel sont loin de la caricature de paresse que certains critiques agitent en épouvantail. Dans un village de Namibie où fut instauré un revenu minimum garanti, le chercheur Herbet Jauch fut lui-même surpris de l’effet de cette « manne » sur les habitants :

Nous avons pu observer une chose surprenante. Une femme s’est mise à confectionner des petits pains ; une autre achète désormais du tissu et coud des vêtements ; un homme fabrique des briques. On a vu tout d’un coup toute une série d’activités économiques apparaître dans ce petit village.

Assurés de leur subsistance par la puissance public, les citoyens cherchent des moyens de contributions pertinents au projet commun, des « activités chargées de sens aux yeux des individus eux-mêmes ». Un paradoxe plein de promesses : en donnant à chacun des chances égales de survie financière, cette expérience de revenu garanti a permis aux habitants de se ré-approprier le fonctionnement de leur société.

Réconcilier l’Homme et la machine

Mais l’enthousiasme des convaincus de l’allocation universelle se heurte souvent au mêmes doutes : si le travail n’est plus nécessaire pour vivre, qui continuera à occuper les emplois difficiles et mal payés, mais néanmoins nécessaires à la société ? Qui fera le métier de caissière, ira balayer les rues, ramasser les poubelles, et assurer l’entretien dangereux des centrales électriques ?

Selon David Poryngier du Mouvement des Libéraux de Gauche, il faut relativiser ces craintes  :

Au rythme où les caissières sont remplacées par des machines dans les supermarchés, je ne pense pas que ça soit une question critique. Plus sérieusement, on peut attendre un rééquilibrage du rapport de forces entre employeurs et travailleurs, au profit de ces derniers, dans les métiers les plus pénibles et les moins valorisants. Tout le contraire de la situation actuelle, où le chômage endémique tire les salaires vers le bas et prohibe toute négociation sur les conditions et les horaires de travail. Qui s’en plaindra ?

La rémunération inconditionnelle du travail pourrait “revaloriser” les métiers pénibles en leur garantissant un meilleur revenu, renversant le dumping social qui s’impose comme règle des échanges entre pays riches et pays à faibles coûts de main d’oeuvre.

Quant à l’hypothèse d’une substitution de l’homme par la machine pour les tâches ingrates, il permettrait d’inscrire la proposition d’allocation universelle dans la continuité des grandes luttes sociales de l’entre-deux guerres. Une sorte de nouveaux « congés payés » où, aux nouveaux choix de vie donnés par le temps libre, s’ajouteraient celui de l’occupation du temps de travail.

Pour en finir avec la « valeur travail »

Vu sous l’angle du rapport au travail, l’idée de l’allocation universelle s’impose comme une réforme subversive. En renversant le rapport au travail et à sa valorisation dans la société, il met sens dessus-dessous le fondement des débats électoraux des dernières années axés sur le pouvoir d’achat. Car, tandis qu’en 2007, un certain Nicolas Sarkozy était élu sous le slogan du « travailler plus pour gagner plus » et de la fameuse « valeur travail », et qu’à gauche, on nous promettait le retour du plein emploi salarié, l’allocation universelle nous propose un voie alternative vers l’utilité sociale choisie.

Retrouvez notre dossier spécial sur le revenu citoyen :

Crédits photo FlickR CC : dunechaser / Jordan Prestot

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Groupe cherche musicien : par où commencer ? http://owni.fr/2010/12/31/groupe-cherche-musicien-par-ou-commencer/ http://owni.fr/2010/12/31/groupe-cherche-musicien-par-ou-commencer/#comments Fri, 31 Dec 2010 10:23:11 +0000 upformusic http://owni.fr/?p=29202 Si trouver des musiciens est une étape évidente dans la vie d’un groupe, elle n’en reste pas moins cruciale. Dénicher des interprètes pour un projet unique ou pour vous accompagner dans votre carrière est une étape à ne pas négliger. Up For Music nous propose quelques pistes.

Trouver des musiciens pour monter un groupe n’est pas une chose facile, voici quelques conseils pour vous aider dans votre démarche :

Regardez autour de vous

Il se peut que vous connaissiez déjà des musiciens ! Peut-être que certains de vos amis qui font déjà partie d’un groupe cherchent à en changer, ou peut-être encore connaissent-ils des gens intéressés à jouer dans un groupe. L’avantage de cette démarche est que vous en connaîtrez déjà un peu plus sur la personne en question. Si untel, bassiste très talentueux, ne se présente jamais au soundcheck, alors vous saurez au moins à quoi vous en tenir. Trouver vos futurs musiciens par le biais de vos contacts sur la scène musicale locale augmentera vos chances de tomber sur quelqu’un de confiance – ou tout du moins, de savoir un peu mieux dans quoi vous mettez les pieds.

Le disquaire ou la boutique d’instruments de musique

Où les mélomanes aiment-ils se réunir? Chez le disquaire pardi! On peut aussi essayer les magasins d’instruments de musique ou bien toute autre boutique proposant des articles en lien avec la musique. La plupart de ces endroits, et particulièrement les magasins de type indépendant, possèdent des babillards où vous pouvez placer une annonce mentionnant que vous recherchez quelqu’un pour se joindre à votre groupe. Assurez-vous de décrire un peu votre musique dans l’annonce ou mentionnez par exemple un groupe que vous aimez bien. N’oubliez pas d’inclure vos coordonnées afin que les personnes intéressées puissent vous contacter. Vous pouvez aussi mentionner au personnel du magasin que vous cherchez quelqu’un.

Internet

Des sites web comme Craigslist et MeetYourBand.com regorgent d’annonces au sujet de musiciens à la recherche d’un groupe auquel se joindre. Parcourez la liste de ces musiciens et placez vous-même une annonce mentionnant que vous recherchez quelqu’un. Votre annonce devra contenir les mêmes renseignements que ceux mentionnées sur l’annonce du babillard. Vous pouvez aussi visiter des forums et groupes de discussions sur Internet – comme le nôtre – pour placer votre annonce.

Studios /Salles de Répétitions

Contactez les studios d’enregistrements et salles de répétitions aux alentours de chez vous et laissez-leur savoir que vous êtes à la recherche de musiciens. Renseignez-vous pour savoir s’ils ont un espace réservé pour placer des annonces et si vous pouvez en afficher une. Les gens qui travaillent dans ce genre d’endroits sont souvent au courant de qui joue dans quel groupe et ils pourraient s’avérer être d’une grande aide. Même si vous n’avez jamais fait affaire avec eux par le passé, n’ayez pas peur de leur demander un petit coup de pouce.

Placardez des Affiches Dans Votre Ville

Placardez des affiches un peu partout en ville, dans les endroits où vous pensez que les musiciens aiment se réunir. Dans les cafés, les magasins, les librairies, les campus universitaires, les boîtes de nuit et les salles de spectacles – le but étant de faire savoir aux gens que vous cherchez quelqu’un. Faites circuler le message !

Et vous, quelles sont vos astuces et bons plans ? Les commentaires sont à vous !

Article initialement publié sur: Up For Music

Crédits photos CC flickr: yoyolabellut1suisse, clevercupcakes

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