OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Kyrou: face au dieu Google, préserver “l’imprévisible et des sources de poésie” http://owni.fr/2010/11/17/kyrou-face-au-dieu-google-preserver-l%e2%80%99imprevisible-et-des-sources-de-poesie/ http://owni.fr/2010/11/17/kyrou-face-au-dieu-google-preserver-l%e2%80%99imprevisible-et-des-sources-de-poesie/#comments Wed, 17 Nov 2010 15:53:33 +0000 Guillaume Ledit http://owni.fr/?p=36002 Dans Google God, sous-titré “Big Brother n’existe pas, il est partout”, et publié aux Éditions Inculte, Ariel Kyrou déshabille le dieu Google. Dans cette critique radicale mais non manichéenne de la firme de Mountain View, l’ancien rédacteur en chef adjoint d’Actuel analyse ce “monstre gentil”, de sa genèse à ses récents développements, en passant par l’imaginaire qui le nourrit.

Structuré en différents chapitres qui interrogent notre rapport à Google, l’ouvrage part de l’influence du milieu universitaire sur Larry Page et Sergey Brin, s’ arrête un instant sur la polémique autour de la numérisation des grandes bibliothèques, puis s’intéresse au développement de l’entreprise comme business fructueux avant de se pencher sur nous autres, les utilisateurs, individus connectés et soumis aux évolutions de l’outil. En prenant encore du recul à la fin de l’ouvrage, on se rend compte que ce qui peut poser problème n’est pas la société Google mais la société de Google.

Entretien avec l’auteur autour de ce dieu spinozien.

Pourquoi s’attaquer à déconstruire Google, et pas l’une des nombreuses autres incarnations du capitalisme numérique comme Facebook ?

La raison est double. Il y a une raison objective qui est qu’on est en train de vivre une mutation perpétuelle du capitalisme, un changement constant. Aujourd’hui, les acteurs de transformation de ce capitalisme sont dans les vecteurs de création, donc dans Internet. Je considère ce type de capitalisme immatériel, de capitalisme de la connaissance qui est à la base même de Google, comme beaucoup plus avant-gardiste et intéressant que celui de Facebook, Amazon ou Microsoft. Et ceci pour une raison très simple : un peu comme nous, Google est à la fois le copié et le copieur, à la fois le maître et l’esclave, et ce en permanence.

C’est-à-dire qu’il nous domine comme nous nous dominons nous-mêmes. C’est une sorte d’hégémonie assez bizarre qui permet de mettre “Google sucks” dans son moteur de recherche Google alors que Facebook ne permet pas de mettre “Facebook sucks” sur sa page. C’est la métaphore de l’apiculteur. Comme l’apiculteur, Google a intérêt à ce que les abeilles pollinisent et enrichissent l’écosystème dans son entier puisqu’après il va en tirer profit (avec le miel et la cire). Yann Moulier-Boutang le montre très bien: c’est un type de capitalisme qui encourage les internautes-abeilles à polliniser, à utiliser les connaissances qu’ils pourront tirer de Google en offrant, donnant, en copiant et en étant copié. Sur ce registre-là, il laisse la main à l’utilisateur.

C’est un type de capitalisme très intéressant. L’ensemble d’Internet fonctionne un peu dans cette logique-là mais Google en est l’archétype.

En plus, l’objectif Google est d’être le relais de toute l’information du monde, mais pas de la posséder. Facebook, au contraire, possède ses pages, et est dans une logique assez propriétaire. Apple, ce sont des empereurs : ils ont raison quoi qu’il arrive. Google dit: “je ne veux pas créer l’iPod et l’iPad, je ne vais pas être le créateur, juste votre soutien permanent”.

Google n’est pas un dieu créateur, c’est un dieu spinozien en ce sens qu’il est le relais, ou du moins qu’il se veut le relais d’une nouvelle nature qui est celle d’Internet.

Il s’agit là de la première raison de mon intérêt pour Google : ce type de capitalisme assez passionnant et assez redoutable qu’il construit avec notre connivence.

La deuxième raison, c’est qu’effectivement je suis un utilisateur de Google, et que l’objet me fascine. D’autant plus qu’il existe un côté libertaire chez eux. J’ai été au mensuel Actuel, aujourd’hui disparu, donc je sais ce que c’est qu’une entreprise nourrie des valeurs de mai 1968 et qui se retrouve dans le marché, va chercher de la pub, qu’elle aime ça ou non, et qui fait comme si ça n’existait pas. Je l’ai vécu. Il y a un refus presque naturel et systématique de cette nature-là, une croyance en la capacité à changer réellement l’entreprise. Voire à changer le monde, et à exister dedans en gardant sa totale intégrité. Comme si le monde ne pouvait pas vous contaminer en retour. Chez Google, il y a cette vision presque naïve d’ une entreprise différente, qui pourrait inventer un autre type de capitalisme ; il n’ y a là-bas, par exemple, que des petites équipes, sans manager au sens traditionnel du terme.

Il y a tout ce côté un peu post-soixante-huitard très bien décrit par Eve Chiapello et Luc Boltanski dans Le Nouvel Esprit du capitalisme, publié en 1999. Leur livre, très important, à ce défaut de ne partir que des des textes de management. À l’époque, leur vision était purement théorique. Les textes de management sont des outils très éloignés de la réalité. Les gens qui bossent dans des grosses boîtes savent qu’on est à des années-lumières de la « logique artiste » que les deux auteurs ont justement perçu dans ces
textes.

Avec Google, on a, pour la première fois à mon sens, l’archétype même de ce dont Chiapello et Boltanski parlaient : un capitalisme qui a complètement intégré la critique artiste et qui se nourrit de son contraire en permanence. Mieux : Google va devenir l’archétype même du nouvel entubage publicitaire parce qu’au départ, ils sont radicalement contre la publicité.

La salle de jeu du GooglePlex, à Zurich

C’est quelque chose que l’on ressent très bien dans la description de la longue marche de Google vers la publicité, et dans l’évocation du Googleplex, où les salariés, que vous décrivez comme de grands enfants, sont confinés.

Je dois admettre en toute honnêteté être assez en empathie avec ça et être moi-même très ambigu par rapport à cette identité. Je pense que beaucoup de gens travaillant dans les circuits du Net vivent la même chose mais sans peut-être le recul que j’ai, parce que je l’ai vécu avant les autres, et que je n’ai plus vingt ans mais plus de quarante. Au fond, j’ai déjà vécu ce qui est devenu commun, c’est-à-dire une sorte de croyance à moitié vraie de pouvoir exister dans un cocon séparé du monde qui pourrait être gentil dans un monde méchant, qui pourrait changer réellement un monde qui est d’une lourdeur ahurissante.

Ce sentiment d’être dans une sorte d’exception permanente est quelque chose de très commun dans le monde du Net.

Il y a quand même une différence dans le pragmatisme économique qui tord un peu l’idéal des premières communautés du Net, celui des pères fondateurs et des premières communautés sur le réseau. Ce qu’introduisent Page et Brin dans cet imaginaire, c’est justement ce pragmatisme économique. Est-ce que c’est cette deuxième génération qui transforme le paradigme ?

Je crois que le paradigme s’est transformé tout seul. Je crains que les premiers utopistes du Net n’aient vécu dans des circuits assez forts mais assez restreints. L’exemple typique c’est quelqu’un comme Hakim Bey, un vrai anarchiste qui a développé le concept de la TAZ (Zone d’Autonomie Temporaire). Il a écrit ce qui est devenu l’un des livres cultissimes du Net alors qu’il venait de milieux anarchisants et libertaires et qu’il était un grand spécialiste de la piraterie, sous son vrai nom de Peter Lamborn Wilson. Ce personnage est passé par l’Internet, il l’a défini avec ces logiques de carte permanente, de mouvement temporaire, de moments de fête qui disparaissent, il a décrit un univers qui était réellement ceux des premiers utopistes du Net. Des tas d’autres gens ont tenté de s’y retrouver par la suite, mais lui-même a quitté ce monde-là, comme s’il considérait que la vie était ailleurs. Dans son bouquin suivant, il revendiquait d’ailleurs le poitrine contre poitrine, le retour au corps finalement.

Je ne dis pas qu’il a raison, mais il y a une logique, celle de la vie et de la survie dans le monde tel qu’il est. Or c’ est ce monde capitaliste qui oblige au pragmatisme. En inventant sans cesse, on croit le changer, mais on le nourrit de la plus belle des manière, et il adore ça, ce Léviathan capitaliste qui nous consume à petits feux.

Google est une entreprise qui innove sans cesse, abandonnant des projets, en lançant d’autres… Ce qui permet de faire comme si la contrainte n’existait pas, qu’on pouvait à chaque fois la dépasser.

C’est un des points forts de l’auto-aveuglement de Google, et d’autres entreprises, qui repose sur la course permanente à l’innovation et sur l’open-source. Même si je protège mon invention de départ comme le fait Google, je cultive le monde de gens qui me sont proches. Avec l’ open-source qui n’ est pas le logiciel libre, je me positionne un peu comme le grand-papa qui adoube pour mieux étendre son univers.

Ce qui fait de Google un dieu, c’est que sa nature est ancrée dans la diffusion et l’appropriation de l’information ?

C’est une idée qui a mal été comprise et interprétée par les critiques de Google.

Il faut savoir que dans l’imaginaire de Google, qui est très proche de celui du transhumanisme, de gens comme Ray Kurzweil, l’information est le carburant vital de toute vie.

Pour Google comme pour Kurzweil, la vie ne repose pas sur la matière, le carbone en l’occurrence, mais elle repose sur l’organisation de la matière, c’est-à-dire l’information : la programmation et l’ADN. Le premier point, c’est que cette toute-puissance est dans l’information qui régit l’univers, et qui régit la vie. Sur ce registre, j’adore cette interview dans Le Monde, où Larry Page dit,  l’air de rien, “on veut être le relais de toute l’information du monde, pas seulement une partie”. C’est génial parce qu’en étant le relais, ils ne sont pas les créateurs de l’information : ils veulent tout relayer, tout servir, que tout passe d’une manière ou d’une autre par leur prisme. Et ils veulent être les serviteurs de ça, d’où la volonté de numériser l’ensemble des bouquins de la planète et ainsi de suite. Le Net doit devenir le monde.

C’est pour ça que ce dieu est un dieu immanent. Il est en nous, et nous laisse créer, c’est notre information. C’est mon information que je construis, mais je la construis grâce à Google. Elle ne lui appartient pas, mais ce qui lui permet d’exister, c’est que l’on passe par Google.

Vous dites que Google fait donc de nous de petits démiurges qui se manifestent par leur ombre informationnelle… De quoi s’agit-t-il ?

Comme je l’évoquais, Google se veut non pas le créateur d’une partie de l’information du monde (contrairement à ce que fait Apple via des objets précieux et le software qui l’ accompagne, ainsi que Facebook, via des pages que je crée avec ses briques logicielles à lui et qui restent sa propriété) :

Étant relais, il n’est pas propriétaire. Étant le serviteur intégral, il peut être partout.

Pour comprendre le côté démiurgique de cette ambition, il faut s’interroger sur ce qu’est Internet et comment il évolue. Internet est né d’abord de quelques vieux PC, il s’est multiplié par tout un tas de biais, il est passé dans le monde des PC et des ordinateurs portables, il devient maintenant présent dans le monde de ces petits génies personnels qui ne nous abandonnent jamais que sont les téléphones mobiles, il nous accompagne en permanence, on s’en nourrit sans cesse et de plus en plus, il va être dans les objets. Il est dans les objets. Dans les vingt ans qui viennent, l’information va être partout présente, accessible partout. Les objets vont nous parler : on va être comme en discussion perpétuelle avec eux.

L’information va être aussi omniprésente que l’électricité, aussi naturelle.

C’est le monde vers lequel on va. Et dans ce monde, qu’est-ce qui justifie de pouvoir à tout moment être au courant de ce qui se passe partout, d’être dirigé sur la bonne route, d’avoir la possibilité d’être prévenu qu’un livre introuvable se trouve à proximité ? C’est que j’ai joué le jeu de l’information, que j’en ai besoin et qu’elle m’enrichit réellement.

Au fond, je suis enrichi de plus en plus parce que tout ce que je fais, tous mes mouvements, tous mes actes quels qu’ils soient sont tracés, sont connus et reconnus par tous ces biais électroniques, par toutes les connexions, les dialogues que je tisse avec mon environnement : tout ça crée une ombre d’information. C’est-à-dire un avatar qui est en quelque sorte mon double informationnel.

Le double informationnel, c’est cette prédiction permanente de moi-même.

C’est ce qui fait qu’on va anticiper tous mes désirs, qu’on va savoir ce que je cherche parce qu’on aura étudié tout ce que je fais. Mon avatar va être enrichi jusqu’à devenir une sorte de guide permanent, il va presque me connaître mieux que moi-même, parce c’est une sorte de corps statistique. C’est une création qui nous ressemble énormément.

Maîtriser cet avatar, c’est, en terme de potentiel pour une entreprise, absolument immense.

Dans cette logique divine, c’est forcément être partout présent avec moi. On retrouve cette idée d’immanence : Dieu est présent via l’âme que chacun est censé avoir. Il est présent par notre âme cybernétique.

Pour autant, cet avatar de données ne nous dépossède pas au sens où nous  l’avons nous-mêmes construit sans le vouloir, mais en même temps ce n’est pas nous.

Google n’est pas un Dieu qui punit et qui promet la vie éternelle. En revanche, il va vraisemblablement pouvoir prédire certains de nos comportements. Et là on rentre dans quelque chose qui est très important dans l’imaginaire de Google et dans le vôtre : l’imaginaire de la science-fiction, celui de K. Dick notamment. Vous écrivez même : “Nous vivons dans un monde de science fiction.”

C’est effectivement un peu mon leitmotiv que je nourris d’écrit en écrit. Dans la conclusion de Google God, j’utilise la métaphore de Minority Report en évoquant precrime, l’anticipation des délits. On est dans un système où on peut tout simplement en permanence anticiper les délits. Il y a des brigades qui interviennent pour les empêcher avant qu’ils ne soient commis.

Ce que les gens ont peu vu dans Minority Report, c’est qu’il y autre chose : ce bien-être permanent. La maison parle à Tom Cruise, les voitures roulent toutes seules… C’est un monde totalement hygiénique, propre, design, dans lequel les pubs parlent directement à notre cerveau comme si elles étaient nos amies pour la vie. On est dans un monde sans bug, un monde parfait, Le Meilleur des mondes d’Aldous Huxley. C’est un monde où tout est tellement fluide, où nos désirs de consommation sont satisfaits tellement rapidement qu’on n’a même plus besoin d’aller commettre des délits.

Ce que les gens n’ont pas bien repéré dans le film comme dans la nouvelle de Dick, c’est que precrime, c’est la correction du bug, de l’exception qui confirme la règle. Et la règle, c’est que le système de contrôle fonctionne sans même que ce soit nécessaire, puisque les gens savent que precrime existe. Donc sans flics, sans brigades d’intervention, chacun va naturellement incorporer la norme. D’autant qu’elle est très souple et permet toutes les déviances, sexuelles ou non. L’objectif n’est plus du tout moral, il est d’être “droit”, en permettant au système d’anticiper grâce à votre avatar de données tout ce que vous pouvez faire et de vérifier que ça rentre dans le cadre. L’ennemi de ce monde là, c’est l’imprévisible : la chose qui n’est pas anticipée. C’est l’ennemi parce que le contrôle ne se joue plus dans l’espace.

L’espace terrestre est d’ailleurs totalement repéré, connu, quadrillé : qu’est-ce que Google Street View si ce n’est le quadrillage total de l’espace ?

Le contrôle se joue dans le temps, c’est-à-dire qu’il faut empêcher l’imprévisible, empêcher le hasard d’intervenir pour créer des surprises, des choses qu’on n’attendait pas. Ce qui est par ailleurs la grande difficulté du web, puisqu’on a toujours tendance à aller vers ce qu’on connaît. Cette logique d’empêcher l’imprévisibilité, d’essayer de tout intégrer, constitue un système de contrôle qui ne se fait plus dans l’espace mais dans le temps. C’est d’ailleurs intéressant de voir les récents travaux de Google comme Google Instant : on anticipe ce qu’on imaginait avant même que ce soit écrit.

Tout se système semble remettre en cause notre libre-arbitre : que devient l’individu tant tout ça ?

C’est une vraie question. Je me projette dans dix ans, je me promène à Saint-Rémy de Provence, mon téléphone portable dans la poche, je passe devant une librairie et j’entends une sonnerie. Un morceau de KLF, qui est ma musique de science-fiction. Je regarde et, comme mon avatar me connaît mieux que moi-même, le robot Google me dit : “Là, tu trouveras le scénario introuvable, le bouquin introuvable, fait par Philip K. Dick lui-même, de ce qu’aurait été Ubik en film.” C’est moi qui ait voulu le trouver ce bouquin, je sais qu’il est censé être totalement épuisé. Et il y en a un exemplaire là. Est-ce que ce qui s’est passé là sert mon libre-arbitre ? C’est une question importante.

Je crois que la notion de libre-arbitre évolue, comme la notion de vrai et de faux : tout aujourd’hui est faux et fabriqué, donc la notion de juste est plus importante que la notion de vrai. De la même façon, on peut dire que la notion primordiale n’est pas celle de libre-arbitre, qui est une sorte de leurre quoi qu’il arrive, mais celle d’imprévisibilité qui va avec l’anonymat et la capacité à dire non, à regimber comme disait K.Dick. Est-ce que l’enjeu finalement, plutôt que le libre-arbitre, ne serait pas le libre-refus, la libre-désobéissance, la libre-création, la capacité à aller contre soi-même d’une certaine manière. Se dissocier de son double.

Pour reprendre mon exemple du bouquin, si en sortant de la librairie je croise un vieux copain qui partage la même passion que moi et que je lui offre, là, on est dans l’imprévisible, dans la coïncidence, dans l’envie qui me dépasse moi-même. Soudainement, on glisse vers l’imprévisible. Et on est peut-être au-delà du libre-arbitre, qui est dans la capacité à se surprendre soi-même en permanence. Et c’est mieux que le libre-arbitre qui suppose une maîtrise, qui est à mon avis illusoire : on ne se maîtrise pas soi-même.

Est-ce qu’on peut lier cela à la notion de hacking ? Hacker la machine et notre propre ombre informationnelle ?

Je me souviens de discussions avec Jean Baudrillard. Dans un de ces derniers bouquins, Le Pacte de lucidité ou l’intelligence du mal, il parle d’un mur de réalité intégrale, une sorte de totalitarisme soft dont Google pourrait être l’archétype. Mais la perfection n’existe pas, donc la réalité intégrale n’existe pas.

Ce qui formidable dans ce monde, c’est qu’on a beau être dans un univers total de 0 et de 1, il y aura toujours des hackers pour détourner et des gens pour inclure du bug dans la machine.

L’une des clés est là, ne serait-ce qu’au niveau de l’individu : hacker, s’échanger des cookies… Ne serait-ce que créer : quand je vois mes gamins qui détournent des films et font des montages, je me dis que ça peut paraître au niveau de la société une réponse modeste, mais ça permet de garder cette libre capacité à accueillir l’imprévisible et la surprise. On peut parler de faculté poétique, dont Google n’est pas le plus grand tueur d’ailleurs. Même s’il induit des choses dans son essence qui sont tout sauf de la poésie. (Facebook, au contraire, définit un cadre figé : page, mur, amis)…

Quelle que soit la subtilité et la puissance du contrôle, qui évolue avec le capitalisme d’ailleurs et devient plus agréable, plus facile à accueillir, la réalité n’est jamais intégrale, et le bug toujours possible.

Donc, Google n’est pas le mal. Est-ce qu’il y a une vie dans la machine, et quels choix s’offrent à nous ?

Est-ce qu’on n’a pas d’autres choix que d’aller élever des chèvres en Ardèche ? Bonne question.

Je pense qu’on peut continuer à prendre du plaisir à créer et à faire évoluer le monde, tout en ne cassant pas ses machines et en continuant à utiliser Google.

De toutes façons, il n’y a pas d’autres solutions. Je nous vois mal, je me vois mal, arrêter d’utiliser Internet, et Google. De toute façon, s’il y a un mal, il est en nous et c’est de là qu’il faut l’extirper.

Mon avatar de données peut m’être très utile, mais ce n’est pas moi. Du moins pas encore, jusqu’à ce qu’on aille vers le transhumanisme. Là où le moi se confond avec la machine.

Les gens de Google, j’avais déjà expliqué ça dans un article publié par OWNI, ont sponsorisé l’université de la Singularité, du transhumanisme. Soit on croit que Kurzweil va vivre jusqu’à 558 ans et qu’il mettra son cerveau dans un robot qu’il aura mis 200 ans à construire, soit on n’y croit pas, on meurt avant, et on ne vit pas cette victoire de la Singularité.

La confusion entre moi et mon avatar de données, je n’y crois pas : d’un point de vue scientifique, c’est une aberration totale.

Kurzweil en 2328?

Mais cela reste un moteur de Google, qui leur permet d’aller très loin et de créer plein de services formidables. Là où ça paraît inconcevable, c’est que tout cela suppose que la perfection existe. Et qu’il n’y ait plus de mort, ça veut forcément dire qu’il n’y a plus de vie. On s’intéresse depuis longtemps à l’immortalité, mais vouloir la rendre possible est dangereux. Pour le coup, c’est abyssal. Mais même dans leur monde parfait, il y aurait toujours des bugs. On se débrouillera pour que les puces RFID buggent…

Est-ce que c’est en étant conscient de ce qui articule l’action de Google et en jouant avec ses contradictions qu’on arrivera à faire évoluer l’ensemble ?

Le principal, c’est qu’il reste de l’imprévisible, et des sources de poésie.

Certains disent qu’il faut des cures de déconnexion : je pense que c’est quelque chose qui va devenir de l’ordre de l’hygiène. À un moment donné, il faut être capable de se déconnecter. Ce n’est pas une question de morale, mais plutôt une question de pratique. Il ne faut pas voir ça sous un angle moral. Simplement, quand on retournera sur Internet, on sera plus riches, on s’amusera plus et on profitera plus de ce qu’on voit. C’est une règle de vie de base : ne pas perdre de vue le réel, et surtout garder cette capacité d’émerveillement.

Ariel Kyrou présentera Google God le jeudi 25 novembre à la libraire Le Divan, 203, rue de la Convention 75015 Paris.

L’émission de Xavier de la Porte, Place de la Toile, était également revenue sur cet ouvrage.

Crédit Illustration: Marion Kotlarski

CC FLickR: pineapplebun, Ruth HB, dullhunk

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La plume est une vierge http://owni.fr/2010/06/11/la-plume-est-une-vierge/ http://owni.fr/2010/06/11/la-plume-est-une-vierge/#comments Fri, 11 Jun 2010 17:51:03 +0000 Yann Leroux http://owni.fr/?p=18313

Est virgo hec penna, meretrix est stampificata disaient les anciens :

La plume est une vierge, l’imprimerie est une putain

Internet, putain de notre temps

La putain de notre temps, c’est l’Internet et les ordinateurs. Leur pouvoir de séduction est tel qu’il nous soustrait à nos obligations familiales et  de travail. L’ordinateur dissipe. Il est l’objet qui attire inexorablement notre attention, draine nos énergie, disperse nos forces. Sa fréquentation transforme nos esprits en vastes marécages dans lesquels nous nos embourbons tous les jours un peu plus.

Ce que nous sommes comme homme, nous le devons intimement aux objets. Nous ne sommes ce que nous sommes que parce que nous sommes des animaux dénaturés insuffisamment adaptés à notre environnement. Nous nous sommes enveloppés de culture et de technique et nous avons adapté le monde à notre inadaptation.

L’invention de l’outil a été le point de départ du d’une cascade de changements: l’outil a amené les premiers hominidés à adopter la posture verticale, ce qui a libéré de la place dans la boite crânienne pour le cerveau. La mâchoire s’est développée permettant le langage articulé, et l’explosion des techniques de mémoire : les récits que l’on raconte, les gravures rupestres, l’écriture, enfin. Ces modifications ont été très lentes et une invention aussi importante que celle de l’outil n’a produit de modifications qu’au terme de millions d’années.

J’ai du mal à penser qu’alors que les ordinateurs ont a peine un siècle d’existence et que leur manipulation ne concerne qu’un individu sur sept, ils produisent des changements majeurs sur l’organisation de nos cerveaux.J’ai du mal à penser que des circuits neuronaux mis en place en quelques millions d’années puissent être remis en question par Facebook et World of Warcraft.

J’ai du mal à penser que le web recable nos cerveaux.

Internet nous rend-il plus bêtes ?

Il y a là une double erreur: la première est l’ethnocentrisme. Elle considère que tout le monde vit les même choses alors que notre usage des machines ne concerne qu’une poignée de personnes. Nous n’avons pas tous des iPhones et autres Blackberry à la main, nous ne sommes pas tous sur Twitter, nous ne sommes pas tous hyperconnectés à l’Internet.

La seconde erreur est temporelle : s’il est vrai que sur Internet, comme dans la culture des pays du nord industrialisé, les choses vont de plus en plus vite, cela ne veut pas dire que les changements que les ordinateurs provoquent sont tout aussi rapides.

Nous sommes aujourd’hui au bout de quelque chose et les ordinateurs y ont leur rôle. Après avoir prolongé toutes nos corps dans nos outils, nous avons fini par jeter notre système nerveux  “comme un filet sur l’ensemble du globe” (McLuhan, Comprendre les média). La dématérialisation portée par cette technique apporte et traduit des changements profonds dont nous ne percevons que les prémisses.

Dans une tribune introduisant son dernier livre, Nicolas Carr donne une série d’expériences sur lesquelles il appuie son argument final : l’imagerie cérébrale du cerveau de surfeurs expérimentés est différente de celle de novices mais après 5 heures d’entraînement, les images des cerveaux sont toutes les mêmes; la mémoire de ce qui est lu est meilleure que ce qui a été présenté dans une vidéo et d’une façon générale on retient moins bien ce qui est sur un écran que ce qui est sur du papier.

A partir de là, il en tire une conclusion dramatique :

Émerveillés par les trésors de l’internet, nous sommes aveugles aux dommages que nous pouvons faire à notre vie intellectuelle et même à notre culture

Nicolas Carr reprend une partie de l’argumentaire du célèbre “Est-ce que Google nous rend idiots ?” Avec talent, il avait décrit comment, à partir du moment ou Nietzsche a eu entre les mains une des toutes premières machines à écrire, son écriture à commencé a changer. Il est passé des longues prose aux aphorismes de quelques phrases. Cela suffit à Nicolas Carr pour conclure que la machine a eu un impact sur la pensée du philosophe, et que cette pensée s’est appauvrie, toujours du fait de la machine.

Mais mesure t-on la richesse d’une pensée au nombre de caractères ? Proust est il Proust du fait de la longueur de ses phrases ?  Est-ce la longueur du Mahâbhârata qui en fait un grand texte ? Le Haïku doit-il être considéré comme non valable parce que trop court ?

On peut se demander pourquoi un philosophe comme Nietzsche s’est intéressé à une machine et on peut se demander si cette machine n’a pas été une aide plus qu’un handicap dans la formation de sa pensée. Pour le dire autrement, les machines d’hier ne nous rendent pas plus stupides que les machines d’aujourd’hui.

La plume n’a jamais été vierge

Le manuscrit, ça avait de la gueule

Que les objets techniques aient une influence sur nos vies psychiques, c’est évident. Mais la  plume n’a jamais été une vierge, pas plus que l’imprimerie une putain ou l’ordinateur un danger pour la culture… sinon dans nos représentations.

L’imprimerie d’abord suspectée de faire circuler des éditions non conformes, échappant au contrôle ecclésiastique et de transcrire le savoir dans des langues du commun, a ensuite été portée au pinacle pour ces mêmes raisons. L’invention des feuilles de style a permis une uniformatisation des textes et c’est alors le manuscrit qui a été suspecté de porter des erreurs. Puis, la copie a été à nouveau suspectée : trop propre, trop parfaite, trop éloignée de l’atelier d’écriture de l’auteur. En un mot, trop industrielle et donc trop éloignée des idiosyncrasies créatrices.  Ainsi, l’écriture manuscrite et l’imprimerie ont été tour à tour portés au pinacle et décriés pour des raisons similaires.

Il en va de même avec les ordinateurs. Ce sont tantôt nos confidents, tantôt nos assistants de travail, tantôt nos persécuteurs. Ils ne le sont pas en soi. Il le sont parce que nous les pensons comme tels à la fois consciemment et inconsciemment. Pour reprendre l’expression de Sherry Turkle, ce sont des objets évocateurs : miroirs modernes dans lesquels Psyché se regarde. Les splendeurs que certains y voient tout comme les monstres que certains craignent sont les reflets des splendeurs et monstruosités que nos psychés abritent.

La photo est intitulée "I am Imac"

L’ordre et le chaos

Nicolas Carr a raison de pointer l’opposition entre ce qu’il appelle les lectures lentes et les diffractions que l’on peut observer en ligne. Mais il a tord de surestimer les premières au détriment des secondes. Ce sont deux positions qui n’ont de valeur que l’une par rapport à l’autre et on peut les résumer en deux mots: l’ordre et le chaos.

Nous avons besoin d’ordre pour ordonner nos pensées. Pour cela nous nous appuyons sur une série de dispositifs : rituels, tournures de phrases.

Mais nous avons aussi besoin d’une dose de chaos pour pourvoir créer, pour faire surgir la surprise et être capable de l’accueillir. “Il faut de chaos en soi pour accoucher d’une étoile qui danse” disait Nietzsche. Sans cette part de désordre, l’ordre n’est que stéréotypie stérile. Sans une part d’ordre, le chaos n’est que dispersion.

Lorsque les Han ont bâtit l’empire chinois, il a été décidé que les textes seraient gravés dans la pierre. Les textes étaient précédemment écrits sur des tablettes faites en bambous reliés par des cordelettes. Lorsque le cordelettes se rompaient, le texte se répandait en fragments épars. L’inscription dans la pierre réglait ce problème et donnaient à tous les professeurs le même texte. En occident, le processus de copie était le fait de moines et était sujet à des erreurs, ce qui a sans doute contribué à développer le goût de l’exégèse et du commentaire. L’Europe cherchait le texte sous le texte, et le reconstituait indice après indice, alors que la Chine s’est pendant des centaines d’années appuyée sur des textes immuables.

Même le livre n’est pas exempt des stigmates du texte numérique qui inquiètent tant Nicolas Carr. Un livre n’est jamais isolé, il fait partie d’un ensemble (roman, texte scientifique, poème…) dont il respecte ou transgresse les canons. Il cite d’autres textes, explicitement ou implicitement: qu’est-ce donc que la citation sinon l’équivalent de notre “embed” numérique ? Qu’est ce qu’une table des matières si ce n’est l’équivalent de la colonne des liens internes de nos blogues ? Un livre conduit toujours hors de lui-même parce que la lecture est hypertextuelle.

Peut-on rassurer Nicolas Carr ? L’Internet n’est pas une maladie auto-immune de notre culture. Les machines d’aujourd’hui procède des pensées d’hier qui sont si chères à son cœur. Elle n’apportent pas de nouvelles façons de penser mais mettent en avant des façons de penser qui étaient déjà là avec l’imprimé.

Le choc du numérique

"Web 2.0"

Ce dont nous sommes les témoins, c’est plutôt la mise en conflit de deux techniques: celle de l’écriture et celle du numérique, avec cette complication que le numérique est une technique jeune. Nous ne bénéficions pas avec les numériques de la patine du long compagnonnage de l’écrit et du papier.

Nous avons encore à apprivoiser les matières numériques pour en faire des matières à penser. Ce travail est en cours dans nos société, et bien évidement il provoque des changements et des questions que l’on peut mesurer à l’intensité du travail législatif autour de l’Internet. Demander à l’Internet de fournir les même services que l’écriture c’est oublier qu’il a fallu trois siècles pour que l’écriture et la lecture se démocratisent suffisamment un savoir de masse et c’est oublier que cela ne s’est pas fait sans conflits.

Nous sommes aujourd’hui sous le choc que produisent les techniques numériques. Il ne faut pas le mésestimer. Il est profond. Il est brutal. Sans aucun doute des formes disparaîtront, de la même manière que le texte imprimé a réduit au silence certaines formes de pensée qui lui préexistaient.

Dans la mémoire de l’occident, cela est peut être ancien, mais en Afrique, l’arrivée de l’écriture est encore à l’horizon des mémoires. Pour les civilisations africaines, le livre a d’abord été une plaie puisqu’il mettait en déroute les formes et les hiérarchies de l’oralité. Il était d’abord le lieu de “l’art de vaincre sans avoir raison” (Cheikh Hamidou Kane); il était un raccourci faisant l’économie des écoutes lentes et profondes.

Sur Internet, nous sommes tous des africains.

> Article initialement publié sur Psy et Geek

> Sur le même sujet : “La plume est une vierge, l’imprimerie une putain”

> Illustrations CC FlickR par ®achel, Proserpina,gualtiero, studentofrhythm, Dioboss et Andreas Solberg

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http://owni.fr/2010/06/11/la-plume-est-une-vierge/feed/ 4
Les outils du blogueur anonyme et dissident http://owni.fr/2010/05/27/les-outils-du-blogueur-anonyme-et-dissident/ http://owni.fr/2010/05/27/les-outils-du-blogueur-anonyme-et-dissident/#comments Thu, 27 May 2010 17:59:26 +0000 Electronic Frontier Fondation http://owni.fr/?p=16772 Sous la proposition de loi du sénateur Masson transparaît à la fois une méconnaissance de l’Internet, une peur qui en découle et une volonté sous-jacente de contrôle d’un environnement qui échappent aux politiques ne maîtrisent plus depuis longtemps. Quoiqu’il en dise, l’anonymat sur Internet est d’une importance cruciale. Voilà quelques conseils pour bloguer sans être ni découvert, ni retrouvé, ni inquiété.

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Les blogs sont un mélange de conversations téléphoniques privées et de journaux. C’est l’outil parfait pour partager votre recette préférée de mousse au chocolat avec vos amis – ou pour soutenir les fondements de la démocratie en informant le public qu’un membre du gouvernement a été corrompu par votre patron.

Si vous bloguez, il n’est pas garanti que vous attirerez des milliers de lecteurs. Mais quelques lecteurs au moins trouveront votre blog, et ils pourraient être ceux que vous voulez ou attendez le moins qu’ils vous lisent. Cela inclut vos employeurs (actuels ou potentiels), vos collègues, vos voisins, votre époux(se), votre famille, ou quiconque tape votre nom ou votre adresse mail dans un moteur de recherche et clique sur deux ou trois liens.

L’idée c’est que finalement, n’importe qui peut trouver votre blog si votre identité “réelle” y est liée d’une manière ou d’une autre. Et il peut y avoir des conséquences. Les membres de votre famille peuvent être choqués ou dérangés en vous lisant. Un employeur potentiel y réfléchira peut-être à deux fois avant de vous embaucher. Mais ces inquiétudes ne doivent pas vous empêcher d’écrire. A la place, elles doivent vous convaincre de sécuriser ce dernier, ou de le rendre accessible seulement à quelques personnes de confiance.

Nous vous proposons ici quelques précautions à prendre pour vous aider à contrôler votre confidentialité, afin que vous puissiez vous exprimer sans risque de représailles. Si vous les suivez correctement, ces protections peuvent vous éviter de gros ennuis, ou un simple embarras devant vos amis ou collègues.

Bloguez anonymement

La meilleure façon de bloguer et de conserver un peu de confidentialité est de le faire anonymement. Mais être anonyme n’est pas aussi simple que ce que vous pensez.

Disons que vous voulez commencer un blog à propos de votre horrible environnement de travail, sans prendre le risque que votre patron ou vos collègues découvrent ce que vous racontez sur eux. Vous devrez réfléchir à comment rendre anonyme tous les détails possibles vous concernant. Et vous devrez aussi utiliser quelques outils qui rendent le traçage de votre blog à votre identité réelle plus compliqué.

1 – Utilisez un pseudonyme et ne donnez pas de détails pouvant vous identifier

Quand vous écrivez à propos de votre lieu de travail, soyez sûr de ne pas donner de détail parlant. Cela inclut des choses comme votre localisation, combien d’employés compte votre entreprise et son secteur d’activité. Même des détails généraux peuvent dévoiler beaucoup. Si, par exemple, vous écrivez, “Je travaille dans un hebdomadaire de Seattle que je ne nommerai pas”, c’est clair que vous devez travailler dans un ou deux endroits possibles. Soyez intelligents. À la place, vous pouvez dire que vous travaillez dans une entreprise de média dans une ville moyenne.

Évidemment, n’utilisez pas de véritables noms et ne postez pas de photos de vous. Et n’utilisez pas de pseudonymes qui ressemblent à votre vrai nom. Ne remplacez pas Annalee par Leanne, par exemple. Et souvenez-vous que n’importe quel type d’information personnelle peut dévoiler votre identité. Vous pourriez être le seul dans votre entreprise à être né tel jour, ou possédant un chat roux.

Aussi, si vous n’avez aucune envie que vos collègues tombent sur votre blog, ne bloguez pas pendant vos heures de travail. Point final. Vous pourriez avoir des problèmes pour avoir utilisé les ressources de votre entreprise, comme Internet, et ce sera compliqué de prouver que vous écriviez votre blog dans le cadre de votre travail. Ce sera aussi très compliqué de cacher votre activité de blogging à vos collègues et aux employés du service informatique qui observent le trafic de l’intranet à la loupe.

2 – Utilisez des techniques d’anonymisation

Il y a un grand nombre de solutions techniques pour le blogueur qui désire rester anonyme.

Si vous vous inquiétez du fait que votre hébergeur enregistre votre adresse IP et puisse remonter jusqu’à l’ordinateur depuis lequel vous bloguez, vous pouvez utiliser le réseau Tor pour bloguer. Tor réoriente votre trafic Internet à travers ce qu’il appelle un “réseau superposé” qui dissimule votre adresse IP. Plus important, Tor rend plus difficile pour les fouineurs d’Internet de suivre le chemin de vos données et de remonter jusqu’à vous.

[NdT: depuis la parution de ce billet, plusieurs technologies nouvelles ont fait leur apparition. En voici quelques-unes (largement inspirées par ce post de Korben) :

> Vous pouvez utiliser des fournisseurs de comptes mail anonymes, comme Hushmail.
>  Préférez des plateformes de blogging qui ne requièrent pas d'info personnelles (Blogger), ou hébergez vous-même votre blog en utilisant par exemple Wordpress, si possible.
> Utilisez des proxy pour sécuriser votre connexion Internet
, cet outil par exemple.

Mais solution la plus sûre et efficace pour sécuriser votre connection semble être Tor. Plus d'infos ici.]

3 – Utilisez des serveurs ping

Si vous voulez protéger votre confidentialité tout en rendant visibles et accessibles les informations que vous publiez, essayez d’utiliser des services de ping pour diffuser vos contenus à votre place. Pingomatic est un outil qui vous permet de faire cette diffusion vers plusieurs endroits à la fois, tout en vous rendant intraçable.

Le programme est chargé d’envoyer une notification (un “ping”) à propos de vos publications à des moteurs de recherche comme Wikio ou Technorati. Une fois que ces sites listent vos entrées, ce qui prend en général quelques minutes, vous pouvez retirer votre note [NdT : car votre article est stocké sur ces sites]. Ensuite, la nouvelle peut se propager rapidement et sa source disparaitre, le tout en moins d’une demi-heure. Cela protège le blogueur tout en lui permettant d’atteindre une certaine audience.

4 – Limitez votre audience

Beaucoup de services de blogging vous permettent de limiter l’accès à des billets spécifiques – ou à tout votre blog – uniquement à ceux qui détiennent un mot de passe, ou qui sont autorisés. Si le but de votre blog est de communiquer avec votre famille ou vos amis, et que vous voulez éviter tout dommage collatéral pour votre confidentialité, envisagez d’utiliser ces fonctionnalités. Si vous hébergez vous-même votre blog, vous pouvez aussi le protéger par mot de passe, ou le configurer pour qu’il ne puisse être visible que depuis certains ordinateurs spécifiques.

5 – Empêchez Google de vous trouver

Si vous voulez empêcher les principaux moteurs de recherche comme Google d’inclure votre blog dans ses résultats de recherche, vous pouvez créer un fichier spécial qui indique à ces services qu’il faut ignorer votre site. Ce fichier est appelé robots.txt. Vous pouvez aussi l’utiliser pour empêcher les moteurs de recherche d’accéder à certaines parties de votre blog seulement. Si vous ne savez pas comment faire cela vous même, vous pouvez utiliser un générateur gratuit sur Internet (http://www.referencement-gratuit.com/robots-txt.html). Cependant, il faut rappeler que les moteurs de recherche peuvent choisir d’ignorer un fichier robots.txt, rendant votre blog facilement recherchable. Il y a beaucoup d’astuces pour rendre votre blog moins facilement trouvable, sans passer par un robots.txt.

6 – Enregistrez votre nom de domaine anonymement

Même si vous ne donnez aucun nom ou information personnelle sur votre blog, les gens peuvent regarder le WHOIS de votre nom de domaine, et découvrir qui vous êtes. Si vous ne voulez pas que cela soit possible, vous pouvez enregistrer votre nom de domaine anonymement.

[NdT : c'est en Scandinavie qu'on trouve probablement une des solutions les plus sûres. Si vous souhaitez faire héberger votre blog dans un lieu sûr, protégé par la Constitution suédoise (très protectrice), vous pouvez vous adresser à PRQ, un hébergeur suédois spécialisé dans l'hébergement sensible : c'est chez eux que sont stockées les données les plus sensibles de Wikileaks.]

Bloguez sans vous faire virer

Un paquet de blogueurs a récemment découvert que leur dur labeur pouvait les mener au chômage. Selon les estimations, des dizaines de personnes auraient été virées pour avoir blogué, et le nombre augmente de jour en jour.

[NdT: les Français se souviendront du cas de cette jeune Anglaise virée d'un cabinet d'avocat parisien pour avoir blogué, affaire relatée par Rue89 et Maître Eolas. Une liste de blogueurs virés pour avoir blogué sur leur entreprise est disponible ici.]

La mauvaise nouvelle, c’est que dans de nombreux cas, il n’y pas de moyens légaux de lutter contre ce genre de licenciements. Même si votre liberté d’expression est protégée, cette protection ne vous exempte pas des conséquences de ce que vous dites.

Une manière de vous assurer que vous n’allez pas recevoir comme tout commentaire à votre blog une lettre de licenciement est de vous assurer que vous écrivez dans des cadres protégés par la loi.

1 – Les opinions politiques

La Constitution empêche théoriquement un employeur de vous virer sur le motif de vos opinions politiques. Si vous évoquez sur votre blog votre appartenance au PCF et que votre boss vous vire pour ça, vous pouvez tout à fait envisager un procès.

2 – Les syndicats

De la même manière, la liberté syndicale est extrêmement bien protégée, vous pouvez bloguer à ce sujet de manière à peu près sécurisée. Si vous appartenez à un syndicat, il est même possible que votre contrat prévoit la possibilité de bloguer.

3 – Faire le whistleblower

Généralement, les lois protègent ceux qui divulguent des informations capitales. Quelqu’un qui divulguera les activités nocives pour la société de son employeur est protégé, par exemple. Cependant, beaucoup de gens pensent à tort que s’ils reportent les infractions ou les activités illégales de leur employeur sur leur blog, ils sont automatiquement protégés. Ce n’est pas le cas. Vous devez d’abord porter ces problèmes à la connaissance des autorités juridiques concernées. Vous pouvez également vous plaindre à votre supérieur, dans votre entreprise. Mais informez d’abord une autorité compétente que, par exemple, votre employeur rejette des boues toxiques dans la nappe phréatique, puis bloguez.

4 – Si vous travaillez dans l’administration

Si vous êtes fonctionnaire, bloguer à propos de ce qu’il se passe est protégé par la liberté d’expression. En plus, c’est dans l’intérêt public que de savoir comment les impôts sont utilisés. Évidemment, ne postez pas d’informations classifiées ou confidentielles.

5 – Des activités extra-professionnelles légales

De manière générale, la loi protège le blogging à propos des activités professionnelles, tant que l’employeur ne pose pas a priori de limite à de telles activités. Cependant, la jurisprudence reste maigre par rapport au blogging.

Bloguez sans peur

Le blog est aujourd’hui central sur Internet. Vous ne pouvez pas être sûr que personne ne saura jamais que vous bloguez. Les flux RSS et autres nouvelles fonctions aggrégatives rendent le référencement de votre blog encore plus fréquent, facile et difficile à contrôler. Mais tant que vous bloguez anonymement et avec précaution, ce que vous dites en ligne a peu de chance de vous causer du dommage dans votre vie hors-ligne.

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Billet initialement publié sur L’Electronic Frontier Fondation, sous le titre “How to blog safely”.

Traduction Martin U.

À consulter : ce document de Global Voice Advocacy, qui fait le point sur les techniques de sécurisation ; le billet de Korben plus accessible.

Crédit Photo CC Flickr : Jef Safi, Demon Baby.

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A quoi me sert Twitter http://owni.fr/2010/01/12/a-quoi-me-sert-twitter/ http://owni.fr/2010/01/12/a-quoi-me-sert-twitter/#comments Tue, 12 Jan 2010 10:24:57 +0000 Samuel (Authueil) http://owni.fr/?p=6929

Cela fait un certain temps que je suis sur Twitter. Comme beaucoup (la plupart même), je me suis longtemps demandé à quoi pouvait bien servir cet outil. J’ai mis beaucoup de temps à trouver la réponse, car quand on ne sait pas ce qu’on cherche, on ne risque pas de le trouver.

La première chose qu’il faut se demander, c’est “quel besoin”. Twitter est un outil qui peut répondre à certains besoins, pas à tous. Si on lui demande ce qu’il ne peut pas donner, on sera forcement déçu. On le sera aussi si on ne fait pas ce qu’il faut pour bien utiliser l’outil, qui peut se révéler plus ou moins chronophage et surtout addictif.

Twitter me sert à plusieurs choses.

D’abord à bavarder. Twitter, c’est du chat, et c’est cet usage qui est très addictif, car il faut suivre en permanence. Difficile de répondre à la volée à un twitt posté 24 heures plus tôt. Il faut être dans l’immédiateté. La barrière des 140 caractères n’est pas un problème, bien au contraire, ça oblige à suggérer (par un hashtag par exemple), à mettre du lien, de l’image. Plus besoin de faire une chaine de mail pour envoyer les images amusantes et autres trouvailles. On poste le lien, qui tourne sous forme de Retwitt. Ca permet de suivre un peu l’ambiance dans différentes communautés (les journalistes web, les blogueurs politiques…)

Twitter, c’est aussi de la veille. Là c’est plus sérieux, car pour moi, c’est l’utilité première de Twitter. J’y participe en tant que “récepteur” d’information mais aussi comme “émetteur”. Je me suis abonné à certains fils qui me paraissent pertinents, et je m’aperçoit qu’avec finalement assez peu de veilleurs, on arrive à avoir quasiment toute l’information pertinente. Mes centres d’intérêts tournent bien évidemment autour de la politique, du droit, de la communication (où j’inclus toutes les problématiques liées à la presse et au journalisme). Parmi les comptes que je suis (désolé pour ceux qui n’y sont pas, mais il faut faire des choix), il y a Astrid Girardeau, enikao, Calimaq, Ls01, François Guillot, Narvic.

Twitter n’est vraiment utile qu’a partir du moment où on a un certain nombre d’abonnements dans la “communauté” pertinente. Attention à ne pas en avoir trop non plus, car on est vite noyé dans le flot, surtout aux heures de pointe. Cela demande aussi d’y aller quotidiennement, sinon, on perd vite le fil. Le flux sur twitter est très rapide et remonter trop loin en arrière peut s’avérer fastidieux, sauf si on a des listes bien conçues. Et là, c’est un autre problème, car si seulement tout le monde se contentait de n’être que la petite étiquette qu’on lui a collé sur la tête.

L’outil est intéressant, complémentaire du blog. Il le restera tant que les communautés qui m’intéressent y sont. Le jour où ça migre vers une autre plate-forme, il faudra suivre. Finalement, ce qui compte, ce n’est pas l’outil mais les gens qui sont derrière. Je pense qu’on a un peu trop tendance à l’oublier.

» Article initialement publié sur Authueil > les commentaires valent le détour /-)

» Illustration par Matt Hamm sur Flickr

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La machine ultime http://owni.fr/2010/01/08/la-machine-ultime/ http://owni.fr/2010/01/08/la-machine-ultime/#comments Fri, 08 Jan 2010 07:20:20 +0000 Admin http://owni.fr/?p=6793 Cliquer ici pour voir la vidéo.

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http://owni.fr/2010/01/08/la-machine-ultime/feed/ 2
Un vague intérêt ? http://owni.fr/2009/10/17/un-vague-interet/ http://owni.fr/2009/10/17/un-vague-interet/#comments Sat, 17 Oct 2009 16:41:13 +0000 Media Hacker http://owni.fr/?p=4697 Bon alors, quoi ?

Après avoir trépigné comme des enfants au pied du sapin, quelques chanceux ont eu le privilège de tester Google Wave.

Certains trouvent la chose d’une inutilité crasse, d’autres affirment que Wave va devenir un outil de coworking fabuleux.

Je me rangerai pour l’instant dans le camp des sceptiques, ou plutôt des attentistes. Wave est un outil, qui évoluera, comme souvent, par les usages qui en seront fait.

Voilà d’ores et déjà un exemple de création originale qui laisse présager d’utilisations futures moins récréatives, et montre à quel point la chose est adaptable aux envies ou besoins de chacun.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Reste à voir ce que cela donnera quand Wave sera ouvert à l’ensemble des internautes … so wait and see !

PS : Je tiens à m’excuser pour le jeu de mots du titre de ce billet.

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C’est le temps du ménage de la rentrée http://owni.fr/2009/09/01/twitter-c%e2%80%99est-le-temps-du-menage-de-la-rentree/ http://owni.fr/2009/09/01/twitter-c%e2%80%99est-le-temps-du-menage-de-la-rentree/#comments Tue, 01 Sep 2009 17:36:41 +0000 Admin http://owni.fr/?p=3111 Cela va bientôt faire deux ans que je fréquente Twitter et j’avoue qu’il m’est très difficile encore d’en cerner tous les aspects tant le service est insaisissable et mutant.
Ma collègue Michelle Blanc a repris une étude très pertinente de eMarketer sur le profil socio-démographique des « twitterers ». On y apprend en premier lieu que 72,5 % des usagers ont joint le service dans les 5 premiers mois de 2009. Pour le meilleur et pour le pire car aux vues de ces chiffres un cancer s’est installé chez notre petit moineau préféré: le spam …

> Retrouvez la suite de cet article et ses conseils avisés sur le blog de Philippe Martin

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