“Un Etrange Printemps, ça va être un sacré patchwork”

Le 28 mars 2011

En amont de la soirée Un Etrange Printemps qui aura lieu le 31/3, nous avons rencontré le directeur de la Machine, Stéphane Vatinel, qui accueille l'événement et nous parle de son engagement.

Ainsi que vous avez pu le lire sur le site, OWNImusic est fier de s’associer à la soirée Un Etrange Printemps, qui aura lieu le 31 mars à La Machine du Moulin Rouge au profit du Sidaction.


A cette occasion, nous avons rencontré Stéphane Vatinel, figure de la nuit parisienne et entrepreneur du monde du spectacle qui évoque pour nous son riche parcours, ainsi que son engagement pour la cause du Sidaction, pour lequel il met sa salle à disposition le temps d’une nuit de clubbing qui s’annonce exceptionnel. Rendez-vous ce jeudi pour danser… et faire une bonne action !


Stéphane Vatinel, vous être le directeur de la Machine du Moulin Rouge. Quel est votre parcours jusqu’à aujourd’hui ?

SV : Il y a 19 ans, j’ai monté un premier lieu qui s’appelle Glazart. La volonté était de créer de la mixité autour d’un projet culturel, dans lequel nous allions réunir différents types d’expressions artistiques, avec différents publics.
Nous ne voulions pas nous enfermer dans un discours : “Moi je suis une salle de concert, moi je suis une galerie, moi je suis un théâtre, moi je suis un lieu de formation”. Si l’on se replace dans le contexte des années 90, il n’y en avait pas, ou peu.

Aujourd’hui, ça a fait école puisqu’il y a beaucoup plus de lieux qui travaillent autour de la pluridisciplinarité.
Glazart existe toujours, mais je m’en suis séparé il y a 3 ans, 4 ans. Entre temps avec toute l’équipe de Glazart, nous avons monté une SAS. Mon idée était de monter une société pour racheter un autre lieux. Nous avons alors racheté le Divan du Monde, qui était en déliquescence en 2002 ou 2003. Nous l’avons rénové, retapé, nous avons remis une programmation, une communication. Le lieu a fonctionné très fort, puis nous l’avons revendu en 2008. Avec un certain nombre des salariés de Glazart et du Divan du Monde, nous avons remonté une structure qui s’appelle Sinny Ooko. C’est comme Glazart d’ailleurs. Glazart, signifie “regard sur l’art”, Sinny Ooko signifie “le cinéma et les oreilles”. Tout ça c’est sorti du langage d’Anthony Burgess d’Orange Mecanique, c’est un gimmick sur toutes les structures que nous créons.

Avec Sinny Ooko, nous nous sommes impliqué dans l’univers de la musique et du cinéma. Aujourd’hui avec cette structure, nous sommes programmateurs des concerts de musique de films au festival de Cannes, au festival d’Angoulême, sur les ciné party que l’on fait un peu partout, et en autre chose le Moulin Rouge, où l’on nous a demandé il y a un an et demi de reprendre la Machine, dans une formule, gestion-programmation-organisation de A à Z

Et justement quelle est l’histoire de la Machine ? Comment était ce lieu avant que vous le repreniez ?

SV : C’est un lieu fantastique, c’est la Loco, tout le monde connaît, elle est presque entrée dans le langage courant. Je ne sais même pas si “boite de nuit” ne trouve pas son synonyme dans la Loco. En tout cas ça a percé entre 80 et 82

Au début du siècle, c’était effectivement l’ancien dancing du Moulin Rouge. C’est ensuite devenu le cinéma du Moulin Rouge. Puis dans les années 80, la salle a été reprise par une bande de gars, pour en faire d’abord une salle de concert où il y a eut des artistes illustres comme David Bowie ou Mick Jagger.
Ils ont embrassé avec beaucoup d’intelligence la vague électro des années 85, 87. Laurent Garnier a fait ses premiers vrais sets ici, peut être plus qu’au Rex Club d’une certaine manière. Jusqu’à ce que ça tombe vraiment en désuétude complète dans les années 2010, entre dépôt de bilan et disparition des caisses, il n’y avait plus de programmation… Plus rien. Il y a donc eu un dépôt de bilan puis un rachat de la structure par le Moulin Rouge.

Parce que pendant toutes ces années, ça n’appartenait pas au Moulin Rouge, ni les murs, ni les fonds. Le Moulin Rouge s’en était séparé il y a très longtemps.
Les locaux appartenaient à la famille Dreyfus, qui était propriétaire de tout cet ensemble immobilier, mais les exploitants du Moulin Rouge n’étaient pas propriétaires des biens. Quand le Moulin Rouge a racheté ses murs, ils ont aussi racheté Loco, mais il y avait des exploitants, différents, comme le théâtre ouvert d’ailleurs.

Puisque l’affaire a été portée devant le tribunal, c’est le Moulin Rouge qui a racheté, pour recréer un espace beaucoup plus complexe, entre revue, dîner, lieu de nuit, lieu de concert, restaurant terrasse… donc ils ont voulu racheter ça, et ils m’ont demandé de voir si l’on pouvait s’inscrire dans la nuit parisienne d’aujourd’hui, être moins patrimonial que l’est le Moulin Rouge.

Quel est le lien avec Un Etrange Printemps, qu’est ce qui vous a poussé à vous investir dans ces soirées ?

SV : Matthieu Jaussaud est quelqu’un que je connais depuis longtemps, parce que Julien Ragnotti est venu ici il y a un an pour commencer à produire un certain nombre de spectacles. Il nous a partagé son souhait de faire une soirée spéciale pour défendre des causes comme le Sidaction. Il nous a demandé si nous pouvions mettre à disposition la salle, et ça tombe sous le sens, il y a un lien fort entre cette cause, ce milieu, les gens qui travaillent là-dedans. On a tous conscience que c’est important de pouvoir amener notre contribution en récoltant de l’argent et en continuant à générer une veille sur l’existence du Sida

C’est une belle opération pour vous, mais c’est risqué financièrement ?

SV : Non. Nous donnons la salle, et rémunérons le personnel qui travaille sur l’évènement. Les premiers deniers que nous récupérerons au bar viendront financer le personnel, le reste ira dans les caisses du Sidaction. Les entrées vont elles directement au Sidaction. C’est une vraie notion intelligente de reversement des bénéfices. De vous à moi, il devrait y avoir entre 1000 et 2500 personnes. La salle peut accueillir 1200 personnes et 2000 personnes en turn Over.

Si l’on perd 3000, 4000 voire 5000 euros dans la soirée, ça ne va pas mettre en péril l’existence de la Machine.

Nous n’avons pas pour vocation d’être un lieu qui se met à disposition gracieusement. C’est la première fois que nous le faisons.

Je ne veux pas faire croire que l’on prend des risques inconsidérés. On fait ça dans l’ordre des choses. Le patron du Moulin Rouge était volontaire pour que l’on s’associe à cette opération. C’est comme les artistes qui vont venir, c’est très appréciable de dire : “Aujourd’hui je vais jouer gratuitement, je ne vais pas prendre de cachet”. Tout compte fait on nous propose à tous de venir faire une belle fête ensemble et ça ne nous coûte pas grand chose. Finalement des évènements comme celui là, on devrait en faire bien plus.

Là où c’est beaucoup de travail en revanche, c’est ce que font Plaqué Or, Julien Ragnotti et d’autres qui organisent cette soirée. Ils travaillent beaucoup depuis deux mois sur ce projet. Ils s’impliquent vraiment, alors que nous en tant que salle, nous savons recevoir facilement ce genre d’évènement.

Pour ce qui est de la programmation, on voit le listing des invités s’allonger. Je trouve ça intéressant de voir tout ces gens venir, monter sur scène avec un disque. C’est par contre moins facile de trouver une cohérence artistique sur cet ensemble d’artistes, mais ça va être un sacré patchwork.

Interview réalisée par Loïc Dumoulin-Richet / Retranscription : Romain Saillet

Photos : La Machine

Laisser un commentaire

Derniers articles publiés