Sarkozy faux-ami des banlieues

Ces derniers jours, le président-candidat entend montrer à quel point il a fait des banlieues une action phare de son quinquennat. Quitte à déformer la réalité, et à s'approprier les réalisations de ses prédécesseurs. Au classement de la crédibilité des candidats mesurée par Le Véritomètre d'OWNI-i>TÉLÉ, Marine Le Pen s'enfonce encore un peu plus tandis que le score de ses adversaires se stabilise.

Ce jeudi 15 mars à 18 heures, Marine Le Pen ferme toujours la marche du classement de l’indice de crédibilité du Véritomètre, permettant de vérifier l’exactitude de toutes les déclarations chiffrées des candidats. Tandis que François Hollande et Jean-Luc Mélenchon sont toujours au coude à coude à la deuxième et troisième place, Eva Joly occupe encore le haut du podium.

Au cours des dernières 24 heures, l’équipe du Véritomètre a vérifié 28 citations chiffrées des candidats à la présidentielle1.

Résumé des faits marquants du jour.

Nicolas Sarkozy repeint les chiffres des banlieues

A qui lui reprocherait son manque d’engagement envers les banlieues, Nicolas Sarkozy a trouvé la parade : les milliards d’euros investis par l’État dans les Zones urbaines sensibles (ZUS), pour reprendre la sémantique ministérielle. En seulement 24 heures et deux interventions très médiatisées, le président-candidat a ainsi vanté les mérites du Programme national de rénovation urbaine (PNRU), destiné à transformer le cadre de vie des quatre millions d’habitants de ces quartiers.

Première occurrence lors du discours de Villepinte, le 11 mars dernier :

Et c’est nous qui avons prévu 45 milliards d’euros pour que nos compatriotes dans les quartiers puissent vivre dans des conditions décentes.

Même son de cloche le lendemain, dans l’émission Parole de candidat sur TF1, à quelques détails près :

Le plan de l’Anru, la rénovation urbaine (…) c’est 45 milliards d’euros.

Des citations en apparence identiques. Mais qui ont en fait chacune leur lot de biais et d’imprécisions.

Première différence : si, à Villepinte, Nicolas Sarkozy emploie la première personne du pluriel et entend donc parler de l’action du gouvernement depuis 2007, il se contente du “plan de l’Anru” (Agence nationale de rénovation urbaine) dans sa deuxième intervention sur TF1.

Un plan mis en place en … 2004, en vertu de la loi d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, votée le 1er août 2003. Le candidat UMP s’approprie donc une politique de rénovation qui précède de trois ans son arrivée au pouvoir.

Autre imprécision : celle du montant engagé pour le PNRU. Tandis que devant les militants UMP, Nicolas Sarkozy parle de 45 milliards d’euros “prévu[s]“, il laisse entendre, dans l’émission Parole de candidat, que cette somme a déjà été dépensée, en utilisant le présent : “c’est 45 milliards d’euros”. Or, comme le confirme un communiqué du ministère de la Ville du 29 février dernier :

Huit ans après le lancement du programme national de rénovation urbaine (PNRU), (…) les deux-tiers du programme ont été engagés, avec 30 milliards d’euros de travaux sur 45 milliards prévus.

Les 45 milliards d’euros pour les “quartiers” n’ont donc pas encore été entièrement investis par l’État. Un détail que le président-candidat n’a pas jugé utile de mentionner, tout comme celui des sommes engagées pour le PNRU avant le début de son quinquennat : 17,5 milliards d’euros. Le site Internet de l’ANRU recense effectivement quatre lois, votées avant 2007, qui ont contribué à près de 60% du montant total dépensé pour la rénovation des ZUS en 2012.

S’il est réélu le 6 mai prochain, Nicolas Sarkozy devra donc veiller à ce que l’État dépense 15 milliards d’euros en seulement un an, afin de remplir les objectifs du PNRU de “45 milliards d’euros à l’horizon 2013″.

C’est plus que le total des sommes engagées au cours de son quinquennat pour rénover les banlieues.

Trop d’expatriés pour Jean-Luc Mélenchon

Lors de son meeting à Clermont-Ferrand, mercredi 14 mars, Jean Luc Mélenchon a abordé le thème des français de l’étranger par ces mots :

(…) ils vont aller emmerder 2 millions de personnes [nos compatriotes] qui vivent à l’étranger !

Le ministère des Affaires étrangères indique que 1 594 303 personnes étaient inscrites au registre mondial des Français établis hors de France au 31 décembre 2011.

Le candidat du Front de Gauche exagère donc de 25%.

Raz de marée d’étrangers chez Marine Le Pen

A Marseille, lors de son discours du 4 mars, Marine Le Pen a réactivé un thème cher au Front National, celui de l’immigration. Elle a ainsi déclaré

10 millions d’étrangers entrés dans notre pays en 30 ans !

Mais d’après l’OCDE, le nombre d’étrangers entrés en France entre 1984 – années du début de ces statistiques – et 2009 (dernières données disponibles) s’élève à 2 416 905, quatre fois moins que l’estimation de la candidate du Front national.

Ces chiffres ne comptabilisent d’ailleurs que les “entrées” d’étrangers en France, effectivement évoquées par Marine Le Pen, et non pas les installations d’étrangers sur le sol français, qui se sont élevées, elles, à 1 200 000 sur la période 1982 – 2008, selon les dernières données de l’Insee.

Dans le même discours, elle annonce que la France accueille :

200 000 étrangers légaux chaque année !

Une estimation qui revient d’ailleurs fréquemment dans les interventions de Marine Le Pen vérifiées par l’équipe du Véritomètre. Problème : ce chiffrage rentre en contradiction avec l’autre estimation de la candidate FN, celle des “10 millions d’étrangers entrés [en France] en 30 ans”. Car, si 200 000 immigrés légaux sont arrivées chaque année en France depuis 1982, leur nombre total devrait s’élever à 6 millions aujourd’hui. Et non 10, comme elle l’affirme.

Marine Le Pen estime donc à 4 millions le nombre d’étrangers entrés illégalement sur le territoire français depuis 1982. Bien qu’elle ait déclaré, lors du même discours de Marseille :

(…) sans compter les clandestins qu’on n’arrive pas, évidemment, à compter.


Les vérifications des interventions sont réalisées par l’équipe du Véritomètre : Sylvain Lapoix, Nicolas Patte, Pierre Leibovici, Grégoire Normand et Marie Coussin.
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Illustrations par l’équipe design d’Owni /-)

  1. L’équipe du Véritomètre a fixé des seuils de tolérance pour l’évaluation des chiffres des candidats : si la marge d’erreur entre le chiffre évoqué par le candidat et la donnée officielle disponible est comprise entre 0 et 5 %, nous considérons la citation comme “correcte” ; si la marge est entre 5 et 10 % on la qualifiera d’”imprécise”, enfin si la marge est de plus de 10% nous l’évaluerons comme “incorrecte” []

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